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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Petit catalogue des maux politiques français/ Épisode 12 : l’illégitimité de l’adversaire

Petit catalogue des maux politiques français/ Épisode 12 : l’illégitimité de l’adversaire

Julien Vercel

La Révolution française a assez vite coupé les têtes des ennemis de l’État parce qu’ils étaient assimilés aux ennemis de la nation et même de la raison. En effet, la loi émane de l’intérêt général qui, lui-même, émane de la raison qui, lorsqu’elle s’est exprimée, ne peut tolérer de contestation. Cette tradition s’est, certes, depuis pacifiée : d’éradicatrice, elle est devenue « seulement » accaparante. C’est ainsi que certains partis des Républiques du XXe siècle se sont accaparés le peuple avec le « Rassemblement du peuple français » (RPF) de Charles de Gaulle de 1947 à 1955 ; la nation avec le « Front national » (FN) depuis 1972 ou, en 2015, la république avec « Les Républicains ». L’objectif est d’incarner de façon exclusive le peuple, la nation ou la république, en rejetant les autres forces partisanes en dehors, mais, désormais, sans leur couper la tête.

Cela explique pourquoi, parmi les démocraties contemporaines, la France a tardé à reconnaître des droits à l’opposition. Et même à qualifier les adversaires d’« opposition ». Longtemps, il a ainsi été préféré le terme de « minorité », constat purement quantitatif, alors que le terme d’« opposition » aurait donné un contenu plus politique. Encore en 1981, à l'Assemblée nationale, lorsque le député Jean Foyer, gaulliste, avance que les nationalisations sont inconstitutionnelles, André Laignel, socialiste, lui répond, le 13 octobre, qu’« il a juridiquement tort, car il est politiquement minoritaire ».

Pourtant, en 1974, Valéry Giscard d’Estaing avait posé les premières pierres d’un « statut » de l’opposition en permettant la saisine du Conseil constitutionnel par 60 sénateurs ou 60 députés. La même année, l’Assemblée nationale instaurait une séance hebdomadaire de questions au Gouvernement (QAG) qui sont passées à deux séances hebdomadaires en 1995. Il faut attendre la révision constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy pour que le terme « opposition » soit inscrit dans la constitution. Désormais, les groupes politiques de l’Assemblée doivent se déclarer « groupe majoritaire » (aujourd’hui les socialistes), « groupe d’opposition » (les ex-gaullistes et les centristes) ou « groupe minoritaire » (les communistes, les écologistes et les radicaux de gauche). Des droits de parole, de réponse, d’information ou d’alerte leur sont garantis.

Malgré ces timides avancées, le procès en illégitimité de l’adversaire est encore régulièrement instruit. Par Alain Minc, fan de Nicolas Sarkozy, dès la défaite de son poulain : « Je trouve miraculeux que Monsieur Sarkozy ait obtenu un score aussi élevé. Il perd à cause de Marine Le Pen comme Giscard avait perdu en 1981 à cause de Chirac. Le faible écart avec Monsieur Hollande montre que la France n'est pas de gauche. Celle-ci ne peut gagner que par effraction » (Le Monde, 18 mai 2012). En fait, il faut attendre les attentats de janvier 2015 et les réactions jugées exemplaires du couple exécutif pour que s’atténuent ces contestations en légitimité, capacité et légèreté... avant que le culturel reprenne le dessus.

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