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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Les Femmes dans la franc-maçonnerie française (1/2)

Les Femmes dans la franc-maçonnerie française (1/2)

Jean-Pierre Bacot

Peu nombreuses et pour la plupart spiritualistes, mais moins que les hommes

La féminisation de la franc-maçonnerie française, commencée avant la Révolution dans un cadre aristocratique avec les loges d’adoption aura-t-elle été un relatif échec après deux siècles et demi dans un tout autre espace social et politique ? C’est la thèse que nous voudrions ici défendre en constatant d’abord que les femmes ne composent pas aujourd’hui un cinquième des effectifs maçonniques français. Pour regarder précisément ce qu’il en est aujourd’hui, avant que de réfléchir à la nature du phénomène et à ses causes, commençons par examiner les données quantitatives que nous avons la chance de connaître très précisément. Ces nombres, ces statistiques, diront certains, sont passablement desséchants. Certes, mais comment espérer produire la moindre analyse qualitative sérieuse sans les prendre en compte ?

Avant d’en venir aux éléments à caractère philosophique qui peuvent caractériser les structures mixtes et féminines, regardons le paysage organisationnel dans sa partie féminisée. Très bien informé, le journaliste de L’Express, François Koch, a publié le 19 juin 2014, sur son blog « La Lumière », une liste des 22 obédiences françaises les plus importantes, avec leur taux de féminisation. Depuis cette date, les effectifs n’ont guère varié, malgré quelques centaines d'entrées féminines au Grand Orient et quelques autres mouvements, mais qui ne bougent pas les lignes. On notera au passage que la plus petite structure que le journaliste mentionnait, la « Grande loge nationale indépendante et régulière pour la France, les DOM et les TOM » annonçait comprendre 100 frères. Comme il existe des dizaines d’autres structures déclarées, on imagine à quel point celles-ci relèvent d’un univers infra-groupusculaire. D’autre part, François Koch soulignait que ces effectifs relevaient d’une déclaration des obédiences. Ce que nous avons pu recueillir par ailleurs comme éléments, certes partiellement, confirme le fait que la réalité n’est que très peu déformée et que les obédiences ne trichent pas sur leur taille.

En partant des mêmes éléments, essayons de déterminer où se trouvent aujourd'hui les maçonnes françaises, le journaliste précisant qu’en cinq ans, le pourcentage de femmes dans l’ensemble de la franc-maçonnerie française n’aura augmenté que d’un point (de 17,6% en 2009 à 18,6% à 2014, soit en cinq ans), alors que la croissance totale de la franc-maçonnerie française était de quelque 9%. D’après nos propres recherches (« Les femmes, la franc-maçonnerie et l’Europe. Histoire et géographie d’une inégalité », Véga, 2009), en 2006, le taux de féminisation était de 14, 6%.

(Pour mémoire, rappelons les effectifs des obédiences purement masculines comprises dans la liste des 22 de François Koch : Grande loge de France (GLDF) : 33.000. Grande loge nationale française (GLNF) : 25.500 ; Grande loge de l’alliance maçonnique française : 14.700 ; Grande loge traditionnelle symbolique opéra (GLTSO) : 4.700 ; Grande loge traditionnelle de France : 1.100 ; Grand prieuré des Gaules : 1.000 ; Loge nationale de française (LNF) : 350 ; Grande loge indépendante de France : 300 ; Grande loge nationale indépendante et régulière pour la France, les DOM et les TOM : 100. Pour ce qui est des évolutions par groupe, François Koch note que « Les variations pour chaque obédience sont tellement différentes que cela en est troublant : Grand orient de France (GODF) +1,6%, GLDF : +11,3%, GLNF : - 39% (scission), Fédération française du droit humain (FFDH) : +7,6%, Grande loge féminine de France (GLFF) : +9,4%, GLTSO : +17,5%, Grande loge mixte de France (GLMF) : +49%, Grande loge mixte universelle (GLMU) : -3,4%, Grande loge féminine de Memphis Misraïm : +8,3%. Et la LNF, sans changement »).

La répartition des maçonnes par obédience

Dans les 22 principales obédiences françaises, 11 sont entièrement ou partiellement mixtes et 2 sont féminines. La répartition des franc-maçonnes que nous avons établie en arrondissant légèrement les nombres, toujours à partir des éléments de François Koch est la suivante :

14.000 se retrouvent à la GLFF ;

11.390 à la FFDH, 67% des 17.000 membres ;

2.300 à la GLMF, 45% des 4.900 membres ;

1.300 au GODF, 2,6% des 50.000 membres ;

1.300 à la Grande loge féminine de Memphis Misraïm ;

730 à la GLMU, 52% des 1.400 membres ;

600 à l’Ordre initiatique et traditionnel de l’art royal (OITAR), 50% des 1 200 membres ;

430 à la Grande loge européenne de la fraternité universelle (GLEFU), 22,5% des 2.400 membres ;

270 à la Grande loge des cultures et des spiritualités (GLCS), 30% des 900 membres ;

258 à la Grande loge symbolique de France (GLSF), 47% des 550 membres ;

125 à la Grande loge française de Memphis-Misraïm, 25% des 500 membres ;

125 à la Grande loge initiatique souveraine des rites unis (GLISRU), 45% des 280 membres ;

45 au Grand orient traditionnel de Méditerranée (GOTM), 33% des 140 membres.

On retrouvait donc environ 17.500 femmes en mixité et 14.300 en féminité. Sur ce rapport entre ces deux choix, c’est nous qui le notons, la croissance de la Grande loge mixte de France d’une part et la naissance de petites obédiences nées de l’éclatement de la Grande loge nationale française, d’autre part, ont creusé un écart qui reste cependant faible. La maçonnerie uniquement féminine n’en apparaît pas moins aujourd’hui comme minoritaire chez les femmes, d’autant plus que, dans un paysage que nous qualifierons volontiers de post obédientiel, des loges indépendantes ont semblé prospérer ces dernières années, notamment dans le Sud du pays et que, dans cette nébuleuse, la mixité semble dominante, par rapport à une féminité quasi absente. Parallèlement, la masculinité reste écrasante chez les maçons français qui continuent à ne choisir la mixité qu’à quelque 10%. Cette masculinité semble même s’être légèrement renforcée depuis cinq ans.

Notons ce premier aspect de conservatisme en parfait hiatus avec l’évolution de la société. Certains souligneront avec humour que seule l’Église catholique apostolique et romaine marque en France une attitude comparable. Mais cette Église, sur ce territoire français, est en totale déshérence, alors que la franc-maçonnerie progresse. Aspirerait-elle pour certaines de ses composantes à la remplacer ? N’anticipons pas.

À suivre...

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