Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Fulcanelli, pseudonyme dont on ne sut longtemps quelle identité il recouvrait (il existait une foule d’hypothèses) est un enfant chéri de tous ceux qui se piquent d’alchimie. Il est en effet l’auteur de deux ouvrages Le Mystère des cathédrales, publié en 1926 et Les Demeures philosophales, paru en 1930. Incontestable érudit, l’auteur de ces livres a proposé dans le premier rien moins qu’une relecture de l’art gothique sous l’angle symbolique, puis, dans le second, un état supposé des connaissances scientifiques et philosophiques, en fait de l’imaginaire du haut moyen âge, autour de la notion de Grand œuvre.
Aux éditions Télètes, Jean-Claude Allamanche a publié un petit livre qui propose de faire le point sur les hypothèses, Fulcanelli, une énigme irrésolue, complément d’enquête, qui date de 2013, mais que nous venons de recevoir. L’auteur qui penche pour Charles de Lesseps (1840-1923), fils de Ferdinand, principal responsable du percement du Canal de Suez et qui a emmené son fils sur le chantier, détaille la logique de son travail d’identification. Cela le conduit à penser qu’à l’extrémité d’une vie consacrée à la recherche de la pierre philosophale, Lesseps aurait fini par la trouver au sein de l’usine à gaz, au sens réel et non métaphorique de l’expression, qu’il possédait à Sarcelles. Il était proche de trois personnages qui allaient contribuer fortement à la création de sa légende, le peintre et dessinateur Julien Champagne, le chimiste Gaston Sauvage et Eugène Canseliet, son disciple et préfacier.
Jean-Claude Allamanche s’attaque aussi à la réception post mortem de l’œuvre de l'auteur fétiche des alchimistes en chambre et même à celle du personnage, puisque Jacques Bergier, coauteur du Matin des Magiciens avec Louis Pauwels, en 1960, prétendait avoir rencontré en 1937, dans un laboratoire d’essai de la société du Gaz de Paris un homme qui s’était dit auteur des ouvrages de Fulcanelli.
Entre 1957 et 1960, la réédition des deux livres, avec des illustrations de Champagne, devait relancer la légende. Une nouvelle édition assurée par Canseliet avec des extraits d’un livre mythique de Fulcanelli jamais publié intégralement, Finis Gloria Mundi (« La Fin de la gloire du monde »), titre d’un tableau de Juan Valdès Real ajouta encore au mystère. La fin du livre d’Allamanche relève de la méthode analogique d’interrogation des lettres et signes, typique du milieu, mais qui flirte avec l’Almanach Vermot ou le lacanien de base. Qu’on en juge, à propos du mot Fulcanelli :
« Le premier vocable ful est l’abréviation de fulgural qui concerne la foule et de fulguration, éclair de coupelle. Le second vocable, Canelli, est l’abréviation de Canellier, une espèce de laurier. Laurier : l’or y est ? D’où Ful-Canellier, la foudre qui frappe la coupelle et y dépose l’or ».
Cela dit, la parution du livre inédit, Finis Gloria Mundi, nous menace, annoncent les adeptes. Si Fulcanelli nous a épargné la parution de son vivant, c’est que cela devait être terrible. En vérité, je vous le dis, à côté de ça, le secret de Fatima, c’est du plomb pour alchimiste débutant !