Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
23 Mars 2016
Ce n’est pas une nouvelle fraîche mais, justement, on peut mesurer le relatif silence qui a suivi une décision passablement scandaleuse. Résumons : en septembre dernier, deux Grandes loges du Sud des États-Unis d’Amérique, celles du Tennessee et de Géorgie, ont décidé tout de go de refuser les homosexuels dans leurs rangs. Deux maçons qui s’étaient mariés au Tennessee, conformément à la loi, ont été exclus et les Géorgiens ont parlé de leur côté de « péché ». Le retour de Sodome et Gomorrhe dans l’imaginaire des troupes de Donald Trump…
Les Grandes loges de Georgie ont maintenu récemment leur position, sans rompre pour autant leurs relations avec celles qui les critiquent. Sudistes, ils sont, sudistes ils restent, qu'on se le dise...
Six mois après, il semble qu’il n’y ait que deux Grandes loges sœurs, celle de Californie et celle du district de Columbia (Washington DC) qui, justement aient traduit leur indignation en suspendant leurs relations avec ces structures homophobes, à quoi s’ajoute la Grande loge régulière de Belgique, laquelle a exprimé son rejet de telles dispositions.
Quant à la Grande loge nationale française (GLNF), elle vient enfin de lever le sourcil. Comme l’a révélé notre confrère Hiram.be, le Grand maître Jean-Pierre Servel s’est fendu d’une lettre ouverte de réprobation à ses quelque 25 000 adhérents et va proposer à la direction de son obédience de prendre des sanctions contre les deux Grandes loges qui font tache dans le paysage de la « régularité ».
En novembre dernier, Roger Dachez, sur son blog Pierres Vivantes, qui semble hélas en sommeil, avait attiré l’attention du landerneau maçonnique sur cette affaire qui devait faire grand bruit. Hélas, il n’y eu point trop de barouf…
Il ne faut pourtant pas laisser passer pareille attitude. En effet, et qui dirait aujourd’hui le contraire : exclure les homosexuels, les noirs, les athées, les juifs n’est pas tolérable. Soyons vigilants. Le ventre est encore fécond d’où a surgi, entre autres événements, puisque nous parlons de la Géorgie et du Tennessee, la guerre de Sécession. Il ne manquerait plus qu’on exclue les femmes, ou que d’autres excluent les hommes, ce serait le bouquet ! Tous et toutes uni-e-s contre l’altérophobie, dans le respect de la loi qui punit toute forme de discrimination.
« Inutile de vous rappeler que, comme tous les Maçons réguliers à travers le monde, nous avons pris l’Obligation solennelle et sacrée d’obéir fidèlement aux lois de notre pays. Je ne peux qu’être choqué par de telles attitudes », écrit Servel.
Ah bon ? Que dit-elle, en fait, la loi française ?
La loi n°2008-496 du 27 mai 2008 modifiée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations dispose en son article premier :
« Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, sa perte d'autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. »
Dès lors, une question simple : si l’homophobie ne peut être justifiée par un but légitime, peut-on considérer que reste légitime la protection des frères contre la séduction des femmes qui troublerait leur processus initiatique ?