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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Comment peut-on être djihadiste français ? (1/3)

Comment peut-on être djihadiste français ? (1/3)

Julien Vercel

« Je vais devenir un serial killer, un forcené qui tue. Pourquoi ? Parce que le frustré que je suis ne veut pas mourir seul, alors que j’ai eu une vie de merde, je veux me sentir une fois puissant et libre »
Richard Dunn, assassin de 9 conseillers municipaux de Nanterre, 2002.

Dans Les Lettres persanes (1721), Montesquieu imagine le récit du Persan Rica ironisant sur la curiosité qu’il déclenche à Paris. Il provoque un « bourdonnement » autour de lui ainsi rapporté : « Ah ! Ah ! Monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? ». Après les attentats de janvier et novembre 2015, les Parisiens n’en finissent pas de se demander « Comment peut-on être djihadiste français ? ». En écho du « bourdonnement » parisien, Patrick Calmar, Directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) interpelle ainsi les sénateurs : « Pourquoi une fille de 15 ans quitte-t-elle notre territoire pour la Syrie alors que rien ne la destine à ce destin macabre ? Pourquoi un garçon du même âge issu d’un milieu kurde, non islamisé, tente-t-il d’assassiner un enseignant juif à Marseille ? C’est une question pour notre société » [Sénat]. Et pourquoi la part des convertis parmi les terroristes progressent, « atteignant jusqu’au quart d’entre eux » [Khosrokhavar] ?

Les universitaires, les chercheurs, les essayistes comme les « experts » autoproclamés et médiatiques multiplient les écrits ou les prises de parole pour expliquer le cheminement de ces jeunes Français qui choisissent de tuer d’autres Français, de ces Français qui ne sont pas les têtes pensantes du terrorisme, mais la main des basses-œuvres et la chair à martyrs.

La pluralité des profils

D’abord, il faut bien prendre en compte que le phénomène terroriste actuel possède un caractère évolutif et pluriel. Et donc éviter de s’inventer des « ennemis de confort », de se raccrocher à des formes de terrorisme anciennes et classiques ou de croire en des fables comme celle du terroriste isolé dit du « loup solitaire ». [Bauer]. Cette tentation existe, car nos organismes de recherche restent encore trop souvent franco-français et les pouvoirs publics ne prennent pas en compte les derniers apports de la recherche.

Mais une fois écartée cette tentation de reproduire les analyses et les schémas du passé, force est de constater que les profils sociaux des jeunes radicalisés sont très diversifiés. L’étude d’après les signalements de radicalisés montre que les seules constantes sont la jeunesse et une certaine fragilité de leur personnalité.

Tous les auteurs s’accordent donc à démontrer qu’il est difficile de dresser un profil unique des terroristes, idéologues, fanatiques, opportunistes... L’époque est ainsi aux terroristes hybrides et au « gangsterrorisme », c’est-à-dire à des individus mi-terroristes, mi-criminels. L’épisode fondateur en est la vague d’attentats parisiens en 1995 commis par Khaled KELKAL, délinquant ne fréquentant pas les mosquées et mélangeant pourtant criminalité, fanatisme religieux et terrorisme [Bauer]. De leur côté, les services de renseignement ont identifié des « velléitaires », ceux qui veulent certes s’engager, mais ne le font pas, ils pratiquent donc un « terrorisme de basse intensité », consistant en des attaques individuelles [Sénat] ou « un terrorisme do it youself » qui doit trouver ses armes, ses cibles, etc [Ramzy]. Ceux-là ne sont pas fichés par les services de sécurité. En revanche, les « lumpenterroristes », eux, sont fichés et, pour la plupart, traités en psychiatrie. Quant aux « terroristes honteux », ils n’ont pas de revendications classiques, ils inventent des histoires pour justifier leurs actes sans parler de terrorisme, rompant ainsi la relation traditionnelle entre terrorisme et communication [Bauer].

Il existerait donc une multitude de motivations et une multitude de profils [Liogier], « Il n’y a pas de profil type, mais des sous-ensembles de trajectoires avec des récurrences » [Benslama].

La bibliographie [noms cités entre crochets] figure au dernier épisode de cette série.

À suivre

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A
On aimerait trouver plus souvent de pareilles analyses et on attend la suite, cela permet de prendre de la distance sans cesser de s'impliquer.Que le mal soit banal ou pas, il faut s'en occuper sérieusement.
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