Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Le dernier article du n°197-198 de la revue Réseaux (La Découverte, juin-juillet 2016) aurait pu être une excellente introduction au dossier qu'elle consacre à la cybercriminalité et intitulé "crime en ligne". En effet, les auteurs, Maxime Bérubé, Anne-Marie Côté et Benoît Dupont (« Statistiques et menaces numériques. Comment les organisations de sécurité quantifient la cybercriminalité ») mettent en évidence le paradoxe suivant: alors que le directeur d’Interpol, en 2015, a hissé la cybercriminalité au même rang que le terrorisme en termes de menace pour la sécurité nationale, force est de constater un déficit de statistiques publiques ... au profit de rapports de sociétés privées de sécurité. Lesdits rapports, analysés par nos auteurs, révèlent plusieurs lacunes méthodologiques (les victimes de cyber-attaques n’ont pas l’obligation de les déclarer et certaines préfèrent même les passer sous silence pour ne pas nuire à leur réputation), comme une absence de définitions juridiques partagées (une société de sécurité intègre le vol d’ordinateur dans la cybercriminalité). C’est ainsi que, parmi les statistiques disponibles, seules celles de la Gendarmerie royale du Canada donnent une définition du cybercrime: « n’importe quel type de crime commis en grande partie à l’aide d’internet et des technologies de l’information, comme des ordinateurs, des assistants numériques personnels ou des appareils mobiles. On entent aussi par cybercrime les crimes sophistiqués sur le plan technique qui exploitent les failles des technologies numériques, tout comme les crimes plus traditionnels qui prennent de nouvelles formes dans le cyberespace ».
Plusieurs articles s’attellent à décrire l’originalité de la cybercriminalité. Citons en trois.
D’abord, l’éclosion d’un système de type mafieux y serait improbable du fait de l’absence de liens hiérarchiques forts entre les pirates (hackers), du manque d’emprise territoriale d’un internet mondial ou encore de l’impossibilité d’exercer la violence physique quand les complices peuvent ne jamais se rencontrer. Mais, surtout, les hackers, s’ils ont d’indéniables compétences techniques, n’ont pas forcément celles nécessaires pour en tirer une rentabilité. De plus, sur les forums de hackers, on recenserait jusqu’à 22% d’arnaqueurs (rippers), c’est dire si la duplicité met à mal les efforts de coopération dans le crime. Les hackers, pétris des valeurs de subversion et d’indépendance, ne coopèrent donc que de façon éphémère et, encore, « la confiance constitue pour les hackers un dilemme quotidien qui mobilise une énergie considérable et érode de manière significative leur performance criminelle » (Benoît Dupont, « Les liens faibles du crime en ligne. Économie de la méfiance au sein de deux communautés de hackers malveillants »)
Ensuite, parmi la clientèle du marché des faux fans sur Facebook, faux followers sur Twitter ou fausses vues sur YouTube ne figurent pas seulement des entreprises qui cherchent à amorcer artificiellement la pompe de leur visibilité, mais des particuliers y ont également recours ! (Thomas Beauvisage et Kevin Mellet, « Travailleurs du like, faussaires de l’e-réputation »).
Enfin, Finn Brunton, dans « Une histoire du spam. Le revers de la communauté en ligne », nous apprend que le premier spam remonte à 1971 : au Massachussetts Institute of Technology (MIT), Peter Bos, un administrateur système, avait envoyé un message à tous les membres du réseau contre la guerre au Vietnam qui commençait par ces mots : « Il n’y a pas de chemin vers la paix. La paix est le chemin ». Mais c’est l’année précédente qu’un sketch des Monty Python (Monty Python's Flying Circus, décembre 1970) mettait en scène la conversation dans un restaurant parasitée par le mot «spam » qui devient ainsi le nom officiel des « pourriels », ces courriers électroniques indésirables marquant « les débuts d’une politique de l’attention en ligne ».
Un numéro à ne pas manquer et pas seulement si vous ne faites pas partie de ces plus de 1,7 millions de victimes qui, entre 2009 et 2012, ont subi un retrait d’argent frauduleux par internet.