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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Si les politiques continuent à croire aux miracles, les évêques préfèrent croire en la politique

Julien Vercel

Il faut prendre le temps de lire les quelques dizaines de pages du dernier opuscule du Conseil permanent de la conférence des évêques de France : Dans un monde qui change retrouver le sens du politique (Bayard éditions, Mame, les éditions du Cerf, 2016). Pas pour y trouver une preuve de l’existence de dieu, mais pour y trouver ce que l’on aimerait bien entendre plus souvent de la part de nos femmes et hommes politiques, des mots qui ne sont pas forcément toujours très originaux, mais qui sont clairs, directs et finement énoncés. Sans être d’accord sur tout, il y a d’indéniables points de convergence. Je vous en propose, ici, une lecture orientée.

D’abord, si les évêques prennent la parole, « c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation », c’est aussi  parce qu’ils veulent contribuer à « la réflexion citoyenne ». Dès l’introduction, la posture a de quoi séduire : les évêques affirment en effet refuser d’« alimenter la morosité par de sombres constats». Parfait, s’il faut comprendre qu’ils ne se placent pas dans la ligne des déclinistes et du trio Houellebecq-Zemmour-Finkielkraut. Nous y sommes d’ailleurs incités par la référence directe au concile de Vatican II quand l’Église avait enfin mis un pied dans la société de son temps.

Une « grave crise de sens »

Le diagnostic est tout résumé dans « une grave crise de sens ». Le pays « donne le sentiment d’avoir du mal à se retrouver sur une vision partagée de l’avenir et ainsi d’imaginer son futur ». Pas étonnant quand Patrie, Nation, République « ne représentent plus la même chose pour tous ». Quand, dans la réalité, les valeurs liberté, égalité et fraternité sonnent creux pour de nombreux Français parce que « cette société a désormais de plus en plus de mal à articuler le ‘je’ et le ‘nous’ ».

L’origine se trouverait dans la mondialisation qui a bousculée la Nation homogène. Aujourd’hui, la question est donc de savoir « comment gérer la diversité dans notre société ? Comment l’identité nationale peut-elle perdurer avec des revendications d’appartenances plurielles et des identités particulières ? ». D’où la nécessité de faire émerger « les liens d’unité au cœur même de cette diversité », « plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin pour vivre dans le monde d’aujourd’hui » (pourvu que la charpente soit en pierre !).

La faiblesse de la réflexion politique

Mais face à ce besoin de « charpente », le monde politique est particulièrement décevant. Ses travers sont énumérées sans concession : « Des ambitions personnelles démesurées, des manœuvres et calculs électoraux, des paroles non tenues, le sentiment d’un personnel politique coupé des réalités, l’absence de projet ou de vision à long terme, des comportements partisans et démagogiques… ». La communication et la recherche de l’audience ne servent que la faiblesse du discours et de la réflexion politique. La politique a oublié le sens de son action parce qu’elle s’est faite gestionnaire des droits individuels au lieu de proposer des projets collectifs. Il faudrait presque tout reprendre. Légitimer l’exercice du pouvoir sur « la recherche du bien commun et de l’intérêt général qui doit trouver son fondement dans un véritable débat sur des valeurs et des orientations partagées. Aujourd’hui, la parole a trop souvent été pervertie, utilisée, disqualifiée ». Au passage, les évêques égratignent les instrumentalisations récentes de la laïcité : « La laïcité de l’État est un cadre juridique qui doit permettre à tous, croyants de toutes religions et non-croyants, de vivre ensemble », ce ne doit pas être « une sorte de neutralisation religieuse de cette société ».

L’impasse d’une Église identitaire

Quant à l’Église, les évêques, décidément bien inspirés, réclament une Église plus sociale qu’identitaire, rappelant que nous vivons dans une société où « les religions n’en structurent plus la vie d’une majorité de la population ». Rappelant aussi - avec certes une relecture historique un tantinet capillotractée - que, depuis les origines, l’Église «fait alliance avec la raison et reconnaît des ‘semences du Verbe’ dans la culture » ! Mais c’est sans réserve qu’ils dénoncent les dérives intégristes : « Le danger serait d’oublier ce qui nous a construit, ou à l’inverse, de rêver d’un retour à un âge d’or imaginaire ou d’aspirer à une Église de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juge ».

Une société en proie aux paradoxes

Après le personnel politique et l’Église, les évêques n’épargnent pas non plus la société elle-même. Car elle est souvent en proie aux paradoxes lorsqu’elle réclame plus de protections tout en dénonçant les contraintes ! Lorsqu’elle dénonce les zones de non-droit tout en se plaignant de l’inflation réglementaire et législative ! Quand elle a peur du déclassement alors que « c’est une insécurité réelle dans certains cas, parfois seulement un ressenti et une crainte ». Quand elle réclame des réformes, mais d’abord pour les autres ! Quand, aussi, elle fait fausse route sur le sens du principe de précaution : « Il faut cesser de croire qu’il est possible d’arriver à un risque zéro dans nos vies personnelles et collectives ».

Les raisons d’espérer

Malgré ce diagnostic alarmant, les évêques ne doutent pas des ressources dont dispose la France : « il y a de la créativité, de l’inventivité, de la générosité dans notre pays ». La vie associative est une des plus développées d’Europe. Il y a des initiatives qui montrent que « chacun a quelque chose à apporter au tissu social ». Soit !

Et pour que ces ressources soient mobilisées utilement, il faut avoir une autre pratique du compromis, car le vrai compromis n’est pas le simple résultat d’un rapport de force où l’un cherche à prendre le dessus sur l’autre, « ce ne doit pas être une confrontation de vérités, mais une recherche ensemble, en vérité ». Cela nécessite écoute et engagement de tous,  « chacun, à son niveau, est responsable de la vie et de l’avenir de notre société ». Joyeux Noël !

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M
Sur Bernanos et d'autres écrivains catholiques, jusqu'à Léon Bloy, en passant par Mauriac, il faudrait regardr de près ce que fut leur évolution et pour le coup il n'est pas certain qu'on puisse les invoquer aussi facilement...
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J
Plusieurs candidats de l’élection primaire de la droite et du centre ont répondu aux évêques. Parmi eux, François Fillon, le 24 octobre 2016.<br /> Il se place d’emblée sur le terrain des valeurs à défendre, notamment face au « ‘totalitarisme islamique’ nous devons opposer la certitude de nos valeurs, sans céder au relativisme. Confrontés à l’uniformité souvent écrasante de la mondialisation, nous devons rappeler la singularité de notre civilisation ». Et par civilisation, il faut plus entendre « racines chrétiennes » que « Sécurité sociale ».<br /> Puis il entonne un hymne à la « force de la liberté », car « on a tout nivelé, tout encadré, tout réglementé comme si nous préférions l’égalité dans la médiocrité, plutôt que la réussite au service de la justice ». Il n’explique pas à quelle justice ont accès celles et ceux qui ne réussissent pas.<br /> Enfin, il prône « une nation citoyenne, non une nation mosaïque », contre « l’individualisme, l’immigration non contrôlée, la montée des communautarismes ». Confondant ainsi « individualisme » et « égoïsme », mobilisant l’image des « invasions barbares » et convoquant ce que Laurent Lévy appelle « Le spectre du communautarisme » (Amsterdam éditeurs, 2015)… aussi incantatoire et repoussoir que lorsque la gauche convoque « le spectre du libéralisme ».<br /> Enfin, les auteurs que François Fillon choisit de citer sont Benoît XVI, pape particulièrement conservateur et l’incontournable Georges Bernanos… dont une autre citation figure également dans la réponse de Nicolas Dupont-Aignan aux évêques.
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C
L'a direction de armée mexicaine se met à penser à gauche <br /> Courage Fillon .,,
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