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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Politique de l’emploi : gloire au travail, mais État sans gloire

Omega

Le 18 février 1993, François Mitterrand, président de la République avouait : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Et avec un chômage de masse qui semble augmenter inexorablement depuis plus de 40 ans, l’expression n’en finit pas de désespérer.

C’est d’abord l’État qui est sommé d’être compétent en matière d’emploi. Pas seulement par un réflexe étatiste si français, mais aussi par les risques que le chômage fait courir à la société (exclusions, pertes de capital humain, violences…), et par la nécessité d’une stratégie de long terme pour le pays. Mais alors, comment l’État analyse, construit et met en œuvre sa politique de l’emploi ? Et sur quelle idée du travail repose-t-elle ?

Les trois objectifs de la politique de l’emploi

Dès les fondements, à la Libération, travail et emploi s’articulent dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 (que le Conseil constitutionnel a intégré dans notre « bloc de constitutionnalité » en 1971) :« Chacun a le devoir de travailler et le droit dobtenir un emploi » et « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travaillera le droit dobtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». À ces principes, il faut également ajouter la liberté d’entreprendre.

Trois objectifs donc : liberté du travail ; liberté d’entreprendre ; plein emploi. Avec autant de rôles de l’État difrents : planificateur pour orienter la production en définissant des priorités nationales (comme le plan Jean Monnet de 1946,axé sur les fameux six secteurs de base) ; éducateur pour former la main d’œuvre aux emplois (avec la tertiarisation et le progs technique, le travail est devenu plus abstrait, souvent plus intellectuel, plus qualifié et plus interdépendant) ; régulateur aussi pour assurer que l’épargne soit bien réinvestie ; animateur… L’État choisissait et alternait entre ces différents rôles, sans trop se poser de questions sur l’avenir tant la croissance paraissait illimitée.

La montée rapide et impvue du chômage à partir des années 1970 est venue perturber ces habitudes. Or l’État ne disposait que des recettes habituelles de la période des « Trente glorieuses », faute d’avoir anticipé un possible retournement de conjoncture, une éventuelle remise en cause du modèle de croissance ou d’avoir analysé les points de rupture et les signaux faibles.

Malgré tous les discours récents sur la « revalorisation de la valeur travail », l’emploi qui en est la traduction concrète est, en fait, toujours traité comme un solde, un résultat, une conséquence de comportements obéissants à d’autres objectifs et jamais comme un objectif en soi qui déterminerait les comportements nécessaires. Finalement l’État donne l’impression de laisser aller à la dérive le monde du travail, mais sans le dire, sans en tirer les conséquences et sans traduire ce mouvement en débat et en décision politiques : d’un côté ceux qui sont protégés par des statuts ou des contrats à durée indéterminée semblent condamner à rejoindre peu à peu ceux qui sont abandonnés à la précarité.La réalité est implacable : 9 embauches sur 10 se font en contrat à durée déterminée (CDD) et la part des contrats très courts, de moins d’un mois, atteint 70% (« Lignes de faille. Une société à réunifier », France Stratégie, Rapport, octobre 2016). Bref si le discours politique ne manque jamais une occasion de vanter la « valeur travail », il n’accorde aucune ou peu de nouvelles armes à l’État pour appliquer une politique de l’emploi innovante et efficace.

L’État doit aussi changer

Une telle politique de l’emploi passerait d’abord par tous ces changements que l’État devrait mettre en œuvre et qui concourraient à rendre son action plus efficace : évaluer et partager les résultats de l’évaluation ; former ses personnels au souci des chômeurs alors que l’administration du travail est formée à la défense des salariés ; articuler l’indemnisation du chômage avec les revenus sociaux ; apprendre à véritablement co-construire des politiques avec tous les acteurs sectoriels et territoriaux concernés…

D’autant plus que les défis sont nombreux quant à l’épanouissement des travailleurs et à leurs protections à l’heure de l’internet 24h/24 ; des revenus non salariaux du covoiturage (BlaBlaCar) ou de la location (AirBnB) ; du travail faussement indépendant (Uber)… C’est pourquoi il faudrait sans doute tout reprendre à partir d’une redéfinition de notre modèle de développement : Que garde-t-on de notre fuite en avant productiviste ? Puis changer notre façon de bâtir des politiques publiques : Quelle place accorder à l’action citoyenne et décentralisée, à celles et à ceux à qui les politiques publiques s’adressent ? Comment encourager l’innovation ?Comment maîtriser la révolution numérique pour qu’elle soit plus un tremplin qu’une menace ?...

Devoirs des chômeurs et devoirs de la collectivité

Pour mettre en œuvre le Préambule de la Constitution évoqué précédemment, assez paradoxalement, certains en arrivent à pointer les seuls devoirs des chômeurs et dénoncent ainsi volontiers ce qu’ils désignent, avec honte et dégoût, comme de l’« assistanat ». Ils semblent assimiler : « classes chômeuses, classes dangereuses » en retournant la formule de l’historien Louis Chevalier dans son étude sur le XIXe siècle : Classes laborieuses et classes dangereuses (Plon, 1958).

D’autres s’interrogent sur les devoirs de la collectivité. Car c’est bien en renforçant ces derniers que le retour au plein emploi serait possible : devoir de fournir à tous les chômeurs un accompagnement de qualité, adapté et un accès facile à la formation ; devoir dorganiser le droit au travail à temps choisi, sans précarité ou pénalité pour ceux qui souhaitent travailler moins, quitte à gagner moins, pour se livrer à d’autres activités autrement enrichissantes…Et si on prend au sérieux la question du chômage de longue durée, et si les actions relevant de la responsabilité sociale ne suffisent pas, il faut oser poser la question dune obligation d’embauche de ces personnes par les administrations et les entreprises dune taille suffisante, sous peine du versement dune taxe dont le produit serait affecau financement de la politique de l’emploi.

Alors pourrons-nous dire à nos enfants que nous avons tout essayé.

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L
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Einstein avait raison: il faut réduire le temps de travail. Merci pour l'info !