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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Le Président et les deux tours (2/2)

Julien Vercel

Pour être élu au second tour, le 7 mai 2017, le futur président de la République doit réunir sur son nom une majorité d’électeurs. Mais, d’abord, il doit remporter le premier tour, le 23 avril 2017 en s’appuyant sur les voix de son camp rassemblé. C’est pourquoi François Fillon et Benoît Hamon essaient de rassembler préalablement leur camp. Emmanuel Macron fait le pari d’une autre voie.

En ne participant pas au jeu des élections primaires et en se revendiquant à la fois de la droite et de la gauche, Emmanuel Macron a adopté directement une stratégie de second tour, c’est-à-dire un discours destiné à mobiliser non un seul camp, mais la majorité des électeurs. Pour cela, il a recours à deux registres ignorés par les autres candidats : le dialogue et le consensus.

Emmanuel Macron se veut un homme de dialogue, il en a fait d’ailleurs une de ses caractéristiques, car il croit indéfectiblement en la force de la persuasion. Il a essayé d’en convaincre les députés lors de la discussion sur la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 dite « loi Macron ». Il était alors ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique et a consacré près de 200 heures (80 en commission et 120 en séance) pour argumenter et convaincre. Le texte du projet de loi s’est ainsi enrichi de plus de 100 articles supplémentaires avec environ 500 amendements (même si les 4/5e de ces amendements émanaient du Gouvernement ou de rapporteur). Richard Ferrand, député socialiste et rapporteur général du projet de loi a pu ainsi saluer la « constance d'un ministre totalement disponible ». Car Emmanuel Macron a siégé sans discontinuer au banc du Gouvernement, se montrant accessible et voulant convaincre. Selon lui, « C’est l’explication, la pédagogie, ce que j’ai longuement fait au Parlement, qui permet de dépassionner le débat et d’avancer » (1er mars 2016).

Enfin, Emmanuel Macron utilise le registre du consensus, il s’est dit « obsédé par la réconciliation des Histoires »… jusqu’à transformer les humiliateurs d’hier en humiliés d’aujourd’hui : « Une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d’ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes. C’est ce qui s’est passé avec le mariage pour tous, où on a humilié cette France-là. Il ne faut jamais humilier, il faut parler, il faut ‘partager’ des désaccords » (L’Obs, 16 février 2017).

Cette stratégie a-t-elle une chance d’être payante ? Pour cela, il faudrait surmonter de grands obstacles.

D’abord parce que l’exercice du dialogue lors de la discussion de la « loi Macron » a été balayé par le rapport de force avec, d’un côté,  les « frondeurs » et, de l’autre, Manuel Valls, Premier ministre qui voyait lui échapper l’étiquette du « jeune » réformateur. Le dialogue patient a abouti au recours à la procédure de l’article du 49.3, c’est-à-dire à l’adoption du projet de loi sans vote explicite du Parlement. Tout ça pour ça !

Ensuite parce que la croyance en la vertu de la raison amenée par le dialogue nous mène à une erreur : nous finissons par croire que la persuasion gouvernerait la force. C’est ce que le rhétoricien Philippe-Joseph Salazar dans Paroles armées. Comprendre et combattre la propagande terroriste (Lemieux éditeur, 2016) explique en s’appuyant sur Thucydide : dans L’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide (livre V, 84-114), les Athéniens assiègent les Méliens, plus faibles. Les Athéniens leur proposent donc de se rendre et d’être « libres » sous leur domination ou de mourir les armes à la main.Au-delà de la force, la philosophe Céline Spector dans Éloges de l’injustice. La philosophie face à la déraison (Seuil, 2016) explique que l’être humain n’est pas toujours guidé par la raison qui lui fait arbitrer entre les gains et les pertes, il est aussi l’objet de croyances et de passions.

Emmanuel Macron aurait dû comprendre, dès l’épisode de l’adoption de sa fameuse « loi », que la persuasion ne gouverne pas toute chose. D’autant plus que la philosophe Chantal Mouffe, dans L’Illusion du consensus (Albin Michel, 2016), met en garde contre le consensus en démocratie, car le consensus aboutit à refuser d’organiser l’opposition des idées et en arrive à transformer le simple adversaire politique en irréductible ennemi à abattre.

Un président de la République qui ne croît qu’au seul dialogue et qu’au consensus verrait son action paralysée, surtout lorsqu’il devrait exercer un pouvoir régalien face aux menaces armées notamment. Pour l’emporter, Emmanuel Macron devra travailler cette question : comment être président et s’en remettre uniquement au dialogue et au consensus ?

Le dernier obstacle lié à la stratégie macronienne concerne l’absence de clarté. Ce registre est sans doute le moins mobilisé par Emmanuel Macron qui préfère entretenir un certain flou sur son positionnement politique. Et pour cause ! Il se souvient que la clarté avait valu à Lionel Jospin son élimination dès le premier tour des élections en 2002. En affirmant : « le projet que je propose au pays, ce n'est pas un projet socialiste » (France 2, 21 février 2002), le Premier ministre de la gauche plurielle avait en effet concouru à démobiliser son camp.

Rendez-vous le 23 avril puis le 7 mai pour savoir si l’une des deux voies l’emporte : celle qui se concentre sur le premier tour et celui qui vise déjà le second tour.

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J
Hé bien , j'espère qu'il ne sera pas élu . <br /> Le nouveau televangeliste de la politique et du paf n'a qu'un programme en trompe l'eil au profit de l'oligarchie financière . Le mondialiste multiculturaliste dans toute sa splendeur .
Répondre
J
Ha non celui là est le pire , ne serait ce que par les soutiens issus de toute cette classe politique et capitaliste au pouvoir depuis 50 ans et qui se raccroche à un système finissant et pourrissant . S'il est élu , ça continuera dans la rue , ce sera l'occasion de faire le ménage !
P
Sorry JLB ! les autres ne sont pas mieux !