Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Rédac'
Les religieux et religieuses réguliers fonctionnent en marge de l’Église catholique depuis près de dix-sept siècles et sont en train de disparaître. Temps des Moines. Clôture et hospitalité, (PUF, 2017) de Danièle Hervieu-Léger, consacré à l’univers monacal, sonne dès lors comme un requiem.
La grande spécialiste de la sociologie religieuse française a enquêté plusieurs années durant sur des univers monastiques masculins cisterciens et bénédictins en France et, marginalement en Belgique. Elle rappelle ce que fut leur renaissance après les deux tourmentes révolutionnaire et laïciste, nouveau régime sur lequel ceux qui témoignaient d’un christianisme exigeant ont longtemps fonctionné sans difficulté, avant d’être amenés à espérer survivre dans des conditions de plus en plus délicates.
Les religieux interrogés ne sont pas d’un optimisme béat quand à l’avenir de leurs couvents, quel que soit leur rapport au traditionalisme. Le vieillissement fait son œuvre. Les décès et les départs sont bien supérieurs aux arrivées, comme pour les prêtres séculiers et les religieuses apostoliques. On a vu passer le total des composantes de ce monde retiré, prêtres réguliers, religieux non prêtres et moniales de 62 000 à 36 000 environ entre 1990 et 2010. Le nombre de novices est descendu entre les mêmes dates d’un millier à 370. Les effectifs féminins qui partent de plus haut fondent plus vite que les masculins. Le total est aujourd’hui très probablement inférieur à 30 000 et c’en sera donc pratiquement fini dans une vingtaine d’années, autant dire demain, face à une telle profondeur historique. Cette certitude, et non pas cette éventualité, a du mal à passer. Ainsi, Le Monde rendant compte de cet ouvrage dans son édition du 12 mai titrait : sur une « possible disparition ». La rédaction du quotidien croirait-elle à l’action de la Providence ?
Comme le note la sociologue, les bâtiments sont déjà trop grands et l’aide qu'il faut apporter aux religieuses et religieux très âgés devient une tâche prioritaire. L’annonce du Royaume devient difficile à mettre en œuvre. Au delà de l’aspect purement religieux et eu égard à ce que furent des siècles durant l’occupation du territoire et parfois le rôle économique des couvents, c’est un domaine que vont devoir commencer à gérer sérieusement les pouvoirs publics et les collectivités locales. Quant aux sociologues du christianisme, ils vont devoir laisser la place aux historiens, ou changer de pays.
L’auteure a donné un entretien au Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor) de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à propos de cet ouvrage.