Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
JPB
Cette revue Rocambole, bien connue de nos lecteurs, est le bulletin des amis du roman populaire. 81 numéros sont déjà parus, le premier étant sorti en 1997. Un trio de choc tient l’affaire depuis son origine: Jean-Luc Buard, actuel rédacteur en chef, Daniel Compère et Alain Fuzelier (Alfu).
Avant 1997, il y eut deux préfigurations. D’abord fut édité un bulletin de l’association précitée, dès 1984, animé par le regretté René Guise (21 numéros). Puis, parallèlement à partir de 1987, on vit sortir des presses la revue Tapis-franc. Celle-ci connut huit occurrences aujourd’hui très recherchées par les aficionados. La naissance de Rocambole marqua la fusion des deux titres.
Daniel Compère s’est attaqué dans le numéro anniversaire à résumer l’aventure des 80 numéros, ce qui permettra au lecteur de mesurer la somme de travaux de recherche produits et l’immense contribution à la connaissance offerte aux amateurs d’un monde proprement inconnu, hors quelques érudits, depuis que le trio et ses adeptes se sont mis à la tâche il y a un quart de siècle.
On trouvera avant ce balayage, un article d’Alfu qui s’attaque à la notion d’édition « pré-originale », souvent employée pour qualifier la parution de romans dans la presse. Il s’agit pourtant bien dans ce cas, tout fétichisme de l’édition en volumes étant écarté, d’une édition originale.
Ce numéro mémoriel comprend également une étude du même Alfu et de Francine Delaunay consacrée justement à l’édition de romans dans les journaux, dans le département de la Somme. 23 titres de presse ont été dépouillés entre 1841 et 1929. Un tel travail de bénédictin s'avère indispensable, si l’on entend connaître aussi précisément que possible ce que lisait le public populaire aux premiers temps de l’alphabétisation de masse.
Le très productif Jean-Luc Buard prend ensuite à bras le corps quelques cas concrets de recherche numérique permettant de faire émerger des limbes une « littérature invisible », parue dans la presse, mais ensuite disparue. La mise en ligne, notamment sur le site Gallica, de titres comme Le Journal permet de faire émerger plusieurs nouveaux « autopos » (auteurs populaires potentiels), « un autopo est, de préférence, un auteur oublié », écrit Jean-Luc Buard, « dont personne ne s’est occupé depuis longtemps, qui n’est plus lu, non recherché, et qui pourtant a un potentiel, c’est à dire une puissance littéraire et patrimoniale enfouie qui reste à découvrir. Il n’a généralement pas laissé d’archives et le chercheur doit retrousser ses manches pour reconstituer son parcours biobibliographique ». L’auteur donne plusieurs exemples d’avancées spectaculaires de la recherche dans ce domaine.
Dans une autre spécialité, Marie Palewska traite de l’apport des registres du dépôt légal conservés aux Archives nationales pour la recherche en littérature. À partir de 1910, date de la notion de dépôt légal, jusqu’en 1925, l’auteure donne elle aussi quelques exemples de travaux heuristiques.
Thierry Chevrier nous raconte ensuite l’incroyable histoire d’un roman de Louis Boussenard, L’orphelin de Montmartre, écrit en 1897 et qu’une chercheuse russe, Elena Trepetova, a retrouvé grâce à une traduction publiée dans la presse. Thierry Chevrier, biographe de Louis Boussenard, lui rend hommage en publiant ce roman en 200 exemplaires numérotés (disponibles aux aficionados en écrivant à thierry.chenier@gmail.com).
Signalons également dans cette livraison l’article de Daniel Compère sur les correspondances entre écrivains. En clôture de ce numéro, nonobstant les contes de Rocambole et les notes de lecture, on trouvera un hommage à un grand ancien Jean-Jacques Bridenne (1913-1969), écrit par son fils Jean-Dominique, avec la réédition de plusieurs textes de celui qui fut, entre autres spécialités, historien du Grand guignol et de son principal auteur de ce registre éminemment populaire, André de Lorde.
La rédaction de Critica masonica, revue qui n’en est qu’à 12 numéros parus, dont deux spéciaux, souhaite une longue vie à ses consœurs et confrères de Rocambole, vendu 18€ (abonnement annuel 49€ pour trois numéros).
« Le mystère Maurice Level », tel est le titre du dossier du n° suivant, qui vient de sortir, le 81ème de cette revue. Jean-Luc Buard se livre à un travail doublement passionnant. D’une part, il remet en lumière un auteur qui connut son heure de gloire au début du XXème siècle. Romancier et dramaturge, Level vécut de 1875 à 1926 et bénéficia d’une diffusion internationale que ce numéro détaille avec l’ensemble de ses traductions espagnoles (Concepción Palacio Bernal), turques (Kevin Gürül), italiennes ( Roberto Pirani) et japonaises (Sato Kaishido). Le dossier nous offre également des contributions sur Level conteur (Noëlle Benhamou), sur le suspense et l’épouvante dans son œuvre (Daniel Compère) et sur les figures de médecins et de malades qu’il a illustrées (Philippe Gontier).
Mais le plus intéressant dans le travail de Buard avec son « revenant » dont il présente une chronologie savante de l’œuvre, est sa dimension que nous n’hésiterons pas à qualifier d’épistémologique. En effet, Maurice Level ayant essentiellement œuvré pour des périodiques, il n’aura pas accédé, ou fort peu, au stade symbolique de notoriété d’un romancier publié en volumes. C’est le travail de numérisation des vieux journaux, réalisé en particulier par Gallica, qui a permis l’exhumation des contes dont il nous est donné à lire trois exemples à la fin de ce numéro. Il en va de même pour une foule de romans et de pièces de théâtre produits entre 1901 et 1933. Huit contes de guerre de Level étaient déjà parus dans Le Rocambole numéroté 71-72.
Un article est également consacré par Jacques Baudou aux rapports entre Level avec le cinéma et post-mortem, avec la télévision. Ainsi l’ensemble de la configuration éditoriale, publications, traductions, adaptations est-il proposé dans cette livraison. Un tel travail mériterait reconnaissance au delà de la marge éclairée où il est produit.
On aura garde de ne pas oublier pour conclure le texte de Patrick Ramseyer, grand chasseur de pseudonymes, qui nous livre l’état de ses recherches. Ce numéro d’hiver 2017 qui est vendu, comme à l’accoutumée, 18 euros maintient le cap. On attend le prochain dont le dossier nous est annoncé comme une surprise.
À signaler, issu de la même tribu savante, un ouvrage rédigé par Alfu (Alain Fuzelier) l’un des piliers de Rocambole, intitulé Léon Zazie-Zigomar & Cie, criminels et policiers modernes sans le roman populaire. Sazie (1862-1939), que l’on peut lire dans le métro, fut le créateur, entre autres personnages, de Martin Burma « le premier Sherlock français ». Alain Fuzelier qui signe ici chez Encrage le premier volume d’une série consacrée à la lecture populaire qui va être bientôt lancée. Cet opus comprend pas moins de douze romans où s’affrontent, dans le Paris de la Belle époque et des Années folles, « bande contre bande, de sinistres personnages cagoulés et de vaillants policiers des brigades de la sureté générale ». Tout cela en 348 pages, pour 29 €.