Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
JPB
Paraissant à l’occasion du troisième centenaire de la franc-maçonnerie, cet ouvrage imposant (600 pages) dirigé par Thierry Zarcone vient d’être publié par Dervy dans la collection « L’Univers maçonnique » et a été réalisé avec le concours du Groupe « Société, religions, laïcités » du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il intéressera toutes celles et tous ceux qui se passionnent pour les origines de la maçonnerie. À notre connaissance, le sujet n’aura jamais bénéficié d’une telle synthèse qui doit beaucoup à un grand dix-huitiémistes, Daniel Roche, à l’origine de la constitution de l’équipe qui a réalisé ce travail.
Dans leur passionnante introduction, Jean-Marie Mercier et Thierry Zarcone annoncent que va être détaillée la naissance d’un monde nouveau, d’une sociabilité originale et d’un imaginaire dont ils rappellent qu’ils possédaient en Grande-Bretagne une longue préhistoire. On traite également, dans ce livre, de la manière dont tout cela va s’acclimater en France dans le deuxième quart du XVIIIème siècle.
L’ouvrage est découpé en trois parties. La première parcourt la géographie des premières implantations françaises de la franc-maçonnerie, venue par le Sud. Jean-Marie Mercier et Catherine Sala traitent des primes occurrences des pays catalan et toulousain, Pierre-Yves Beaurepaire de ce qui se développe à Bordeaux et Jean-Marie Mercier, à nouveau, du cas d’Avignon qui était alors une terre pontificale.
La deuxième partie détaille à la fois les lois, les mythes, les rituels et les emblèmes de l’appropriation française de la franc-maçonnerie. Georges Lemoine décrit les premières traductions des constitutions d’Anderson et Gilles Pasquier l’élaboration des premiers rituels. Jan Snoek s’intéresse aux premières loges d’adoption qui concernèrent les femmes avant un long sommeil ; Yves Hivert-Messeca à l’apparition des hauts grades et Xavier Bascher à celles d’une emblématique maçonnique.
Dans la dernière partie, ce sont la littérature, la philosophie, la religion et l’ésotérisme qui sont convoqués. Kenneth Loiselle compare le culte de l’amitié en Angleterre et en France, Jean-Marie Mercier traite de l’émergence d’une littérature et d’une édition maçonniques. Pierre Mollier est allé rechercher les premières occurrences et le parcours de mots « initiation » et « initié » (« le mot et la chose »), Jean Pierre Brach traque les éléments d’origine ésotérique qui apparaissent rapidement et enfin Thierry Zarcone s’attache aux rapports conflictuels entre le Vatican et la franc-maçonnerie naissante.
Il est inutile de préciser que ce gros pavé comporte ensuite une bibliographie détaillée. On aura compris qu’il s’agit d’une recherche collective faisant appel aux meilleurs spécialistes, susceptible d’intéresser les historiens qu’ils aient ou non une appartenance maçonnique. De plus, chaque article peut être lu séparément au gré des intérêts particuliers. C’est donc bien l’un des ouvrages les plus intéressants qui aient paru dans ce domaine depuis longtemps et puisque nous sommes en période de fête, il fera une belle idée de cadeau.