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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Ces idées venues d’ailleurs : le « Black Block »

Julien Vercel

Ils forment le Black Block à cause de leur tenue noire. Ils portent aussi des cagoules pour rester anonymes, se retrouvent à chaque rassemblement antisystème et affrontent la police : depuis le sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en 1999 ; le sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009 ; les mouvements étudiants en France, en Italie ou au Canada ; les manifestations contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes ; les défilés contre la loi travail en 2016 ; jusqu’à la manifestation anticapitaliste de Berlin en mai 2017 et, dernière apparition remarquée, le sommet du G20 à Hambourg en juillet 2017. Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur français, en a donné une définition en 2009 : « Les Black Blocks se forment, dans les manifestations, des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable. C’est la raison pour laquelle ces individus portent des vêtements noirs ou très sombres, ce qui rend difficile le travail d’identification et d’interpellation. Ils s’habillent ainsi au dernier moment et changent immédiatement de tenue une fois les exactions terminées ». Ils se caractérisent donc par une tactique et une esthétique.

Côté tactique, leur fonctionnement est « sans hiérarchie, il s’agit de regroupements ponctuels, le temps d’une manifestation. Avant l’événement le black bloc n’existe pas ; après l’événement, il n’existe plus » (DUPUIS-DÉRI Francis, « Le block bloc : quand l’antisystème effraie », theconversation.com, 24 août 2017).

L’origine remonte aux années 1980 en Allemagne avec le mouvement des « autonomes » qui manifestaient notamment contre l’énergie nucléaire. L’expression Black Block viendrait d’ailleurs de la police allemande. L’Amérique les a ensuite imité dans les années 1990.

Côté esthétique, le choix de tenues noires s’inscrit dans la longue lignée des mouvements qui veulent bousculer le système et « effrayer le bourgeois » : des ninjas japonais aux djihadistes irakiens, en passant par les chemises noires italiennes. Il y a une volonté de se distinguer visuellement et de cibler leurs attaques : contre toutes les forces de l’ordre d’abord, mais aussi contre les guichets de banque, les magasins des multinationales, les concessions automobiles, les espaces publicitaires ou les fast-food. En s’attaquant à des cibles économiques ou symboliques, Ils veulent rendre visible ce qu’ils appellent la guerre invisible de l’État et du capitalisme.

Avec leur tactique et leur esthétique, le Black Block s’assimile à l’univers très contemporain de la « performance », du « happening » et à la forme de mobilisation de la « flash-mob »... ultra-violence en plus.

Selon Rémy Piperaud (Radiographie du mouvement autonome, mémoire de M2, Université de Versailles Saint-Quentin 2009), le Black Block est issu du millier d’« autonomes », la plupart squatters ou étudiants. Leur premier engagement a pu être du temps où ils étaient lycéens, en 2006 lors du mouvement contre le Contrat première embauche (CPE) ou en 2007, lors du mouvement contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). L’exercice du pouvoir par Nicolas Sarkozy et ses fanfaronnades provocatrices ont permis de structurer leur discours, confirmé, ensuite, par les rodomontades de Manuel Valls.

Certains, au sein du Black Block, refusent les expressions pacifiques des syndicats et partis. De même les services d’ordre syndicaux veillent à ce que leurs cortèges ne soient jamais infiltrés. Il semble pourtant qu’une répartition des rôles se soit mise en place. En effet, les manifestants plus traditionnels ont "fait avec", lors des défilés contre la loi travail en France en 2016. Les anarchistes et autonomes étaient habituellement en queue de cortège pour affronter les forces de l’ordre lors de la dispersion de la manifestation par les organisateurs officiels, mais, contre la loi travail, les Black Blocks étaient en tête, affrontant les forces de l’ordre sous le regard des manifestants traditionnels ! Certains sympathisants vont jusqu’à se positionner autour des Black Blocks pendant qu’ils changent de tenue pour les protéger du regard de la police (Gautheron Pierre et Goldbronn Tristan, « Au cœur du Black Block », streetpress.com, 31 mai 2016). La Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) de Montréal a nommée cette cohabitation en 2000 : « le respect de la diversité des tactiques ».

Le Black Block constitue donc l’un des groupes de la sphère des « autonomes » qui en compte plusieurs, comme ceux qui sont engagés auprès des sans-papiers ou encore le groupe de Tarnac... (Mandraud Isabelle et Monnot Caroline, « L’Archipel des autonomes », lemonde.fr, 7 novembre 2009). Ils appliquent la théorie du chaos et les vertus de l’émeute. ils se reconnaitraient volontiers dans la phrase de Martin Luther King : « L’émeute est le langage des sans-voix » (discours à l’Ohio Northern University, 11 janvier 1968).

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