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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

À propos d’« Un monstre humain ? Un anthropologue face à un crime ‘sans mobile’ » de David Puaud

Stéphane François

L’auteur du livre paru à La Découverte, David Puaud, est à la fois un éducateur de rue et un anthropologue, ayant fait un doctorat à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). En poste à Châtellerault en 2005, il a en charge la famille Ouvrard, dont l’un des fils, Josué, tortura et tua une personne, Michel Firmin, la nuit du 15 août 2007, en compagnie de son comparse Kevin Lenôtre. Ce livre s’attache à comprendre les motivations de ce crime gratuit autant que glauque, surtout celles de Josué Ouvrard, que l’auteur suivra et interrogera jusqu’en 2014.

La ville d’où est issu le criminel est une vieille cité industrielle subissant de plein fouet une désindustrialisation brutale. J’ai grandi dans une ville similaire, d’une dizaine de milliers d’habitants, dans un milieu ouvrier. J’ai connu des personnes similaires, ayant le même vécu familial, mais j’ai connu aussi d’autres, parfois issues de l’immigration, qui s’en sont très bien sorties. De ce fait, cette enquête m’a « interpelé quelque part », pour reprendre l’expression lacanienne, car elle avait pour moi une résonance très forte, me renvoyant à mon passé d’enfant d’une ville ouvrière paupérisée. Cette situation se retrouve ailleurs dans les bassins désindustrialisés un peu partout en France.

Ce livre est très intéressant, car il cherche à démontrer la prépondérance de l’environnement social sur la psyché d’une personne ayant commis un meurtre atroce. Cependant, après lecture de cette étude minutieuse, nous restons dubitatifs : en effet, si l’environnement joue un tel rôle néfaste, pourquoi certains, nés dans un contexte similaire, s’en sortent-ils socialement ? Pourquoi s’intègrent-ils dans la société sans trop de difficultés ? La question principale soulevée par la lecture de ce livre est donc celle du mal. Une question qui se trouve aussi au cœur de la franc-maçonnerie : comment devient-on mauvais ? Comment se met-on à commettre des actes délictueux ou criminels ? La société est-elle responsable de ces dérives ? Ce dernier point semble relever de cette « culture de l’excuse » dont est régulièrement accusée une certaine sociologie.

Si nous prenons comme exemple des pays comme la Suède, au système social-démocrate poussé, qui prend soin socialement de ses citoyens, il existe malgré tout dans ce pays des groupes marginaux très violents : des skinheads d’extrême droite violents. Pourtant le taux de chômage est faible, le système fonctionne, l’individu est encadré par un État protecteur… Cet encadrement se retrouve chez la famille du criminel qui était suivie par de multiples services sociaux (une vingtaine selon l’auteur, entre 1994 et 2004). Cela nous ramène aux premières questions : comment devient-on mauvais ? L’auteur fait remarquer à juste raison qu’on ne naît pas délinquant ou criminel. L’environnement familial joue évidemment un rôle important. Mais alors pourquoi dans une fratrie nombreuse, comme celle de l’auteur du crime, certains « tournent mal » et pas les autres ? De ce point de vue, ce livre est passionnant, car il soulève un grand nombre de questions auxquels David Puaud ne répond pas, ou plutôt auxquelles il ne peut pas répondre.

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