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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

À propos de "L’impossible sixième République. Liberté et séparation des pouvoirs en France" de Nicolas Fourrier

 

Julien Vercel

 

La réflexion constitutionnelle, historique et politique de Nicolas Fourrier parue en 2016 chez L’Harmattan, est claire et argumentée. Elle est centrée sur les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif en partant du constat que « la ‘vraie’ Constitution n’est pas le texte écrit mais celui qui est effectivement appliqué ». Et pour cause ! Les plus belles architectures institutionnelles imaginées selon le principe de l’équilibre cher à Montesquieu, ignorent souvent le principe de légitimité qui, selon Rousseau, caractérise un pouvoir qui devrait toujours être l’expression de la volonté collective des citoyens.

 

Résultat ? La pratique des Constitutions françaises est « généralement beaucoup moins équilibrée que leur lettre initiale ». Car chaque crise, qu’elle soit politique ou militaire, finit par désigner le pouvoir le plus légitime… et instaurer un déséquilibre en sa faveur : c’est ainsi que furent enterrés le pouvoir de dissolution sous la IIIe République et le pouvoir de censure sous la Ve République.

 

Pourtant, il y a toujours eu des contrepoids pour éviter de sombrer dans le despotisme et, en ce cas, « l’équilibre ne peut venir que d’institutions qui ne se définissent pas dans le champ politique et qui corrigent les défauts structurels du pouvoir légitime » : en régime à dominante parlementaire (IIIe et IVe Républiques), la modération de la Chambre des députés vient de l’administration ; en régime à dominante exécutive (Ve République), la modération vient du pouvoir judiciaire, du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel (prenant ainsi le rôle du Sénat) et des autorités administratives indépendantes.

 

Nicolas Fourrier conclut avec le diagnostic suivant : « Le problème n’est donc pas dans une insuffisante séparation des pouvoirs. Il est que notre démocratie répond de moins en moins à son objet, tel qu’assigné par Rousseau, de soumettre l’action de l’État à la volonté générale des citoyens ». Sa solution ? Une dissolution de l’Assemblée provoquée par le président 6 mois avant la fin de son mandat : « L’inversion du calendrier électoral permettrait d’atteindre l’objectif du rééquilibrage des pouvoirs entre le président et son Premier ministre ». « Le régime proposé peut aussi être assimilé à un régime permanent de cohabitation à la tête de l’exécutif », « L’élection présidentielle ne serait plus une élection portée par les partis mais une élection d’individus transcendant les clivages politiques ».

 

Au moment de la parution de l’essai accompagné d’un article dans Le Débat (« Pour une évolution sans Grand soir », n°191, septembre-octobre 2016), François Hollande est resté sourd à une telle proposition et ne fut donc pas ce président « visionnaire » que Nicolas Fourrier appelait de ses voeux. Cet essai bien écrit, composé de chapitres courts aux longs titres explicites comme autant de clin d’œil au siècle des Lumières, mériterait une post-face pour répondre à 3 questions soulevée par la présente ère macronienne. D’abord pourquoi l’auteur n’est pas plus précis sur la réforme institutionnelle de 1962 (p70 et 78) qui n’instaure pas le suffrage universel pour l’élection du président de la République, mais transforme le suffrage indirect en suffrage direct ? D’autant plus que cette précision sert plutôt sa thèse quant à l’importance du principe de légitimité dans le fonctionnement des institutions. Ensuite, pourquoi ne pas préconiser d’organiser les élections présidentielle et législative « en même temps » pour mettre au même niveau les deux légitimités ? Enfin, comment l’actuel président de la République a réussi à conjuguer ce que Nicolas Fourrier jugeait impossible : la coalition des centres et le maintien de la présidentialisation ? Une discussion à suivre donc.

 

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