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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Un livre salutaire. À propos de « De sectes en hérésies. Étapes d’une réflexion sur la dissidence religieuse à travers les âges » de Jean-Pierre Chantin

Stéphane François

De sectes en hérésies. Étapes d’une réflexion sur la dissidence religieuse à travers les âges (Presses Universitaires de Lyon, 2018) de Jean-Pierre Chantin nous offre une réflexion des plus salutaires sur les concepts d’« hérésie » et de « secte ». Ces termes aujourd’hui galvaudés ont une histoire sur laquelle l’auteur se propose de revenir. L’ouvrage court –il ne fait que 252 pages– revient sur l’évolution de leur sens en prenant appui sur différents exemples concrets qui sont autant de chapitres, encadrés par une « Introduction » et une « Conclusion ». Chaque chapitre est accompagné d’une brève bibliographie indicative pour aller plus loin. Surtout, l’introduction est une excellente mise au point du sens de ces mots. Ce n’est pas pour rien que le sous-titre est « De l’importance des mots »…

Il s’agit donc d’un petit ouvrage très érudit. Destiné au grand public, il est clair, très bien écrit, sans jargonnage. Il se lit donc très bien. L’auteur montre comment les mots « sectes » et « hérésies » ont évolué dans le temps, en lien avec l’hégémonie grandissante de l’Église catholique et de sa volonté de dire ce qui est juste (ou droit), et surtout de sa volonté d’éradiquer les déviances. De termes entérinant un simple constat d’une diversité religieuse dans l’Antiquité, les mots « hérésie » et « secte » sont devenus péjoratifs. Ils ont pris le sens de « déviants », puis de « dangereux », à comprendre initialement dangereux pour l’hégémonie catholique. D’ailleurs, les premiers militants antisectes (au sens contemporain du terme) venaient, au début des années 1960, des milieux catholiques qui voyaient d’un mauvais œil la concurrence des spiritualités alternatives. Déjà, au Moyen Âge, être qualifié d’« hérétique », comme le furent les Cathares, provoquait la mort sociale, voire tout simplement la mort, après torture évidemment. À ce sujet, l’auteur détruit un autre mythe : celui de la mise à mort systématique des hérétiques. Il y en a eu, mais moins que dans la mémoire populaire et une certaine historiographie…

Quant au mot secte –définissant à l’origine un courant religieux minoritaire–, il renvoie dans l’opinion publique à un groupe dangereux pour la société. À ce titre, l’auteur revient avec pertinence, dans le chapitre intitulé « Des sectes définies en France par des parlementaires laïques » sur le catastrophique premier rapport parlementaire antisecte de 1995, Les Sectes en France, aux vues partielles et partiales, associant dans un même mouvement des mouvements ésotériques, des mouvements alternatifs, etc. et de vraies sectes, comme l’Ordre du temple solaire (OTS), sans expliquer comment le choix avait été établi. Surtout, Jean-Pierre Chantin montre que le phénomène sectaire ne touche que 0,53% de la population et que 80 % de ces 0,53% concernent les Témoins de Jéhovah. Les critères définissant la secte sont également problématiques : l’auteur remarque que plusieurs d’entre eux, comme la rupture avec l’environnement d’origine ou l’embrigadement des enfants, peuvent concerner l’Église : les ordres monastiques cloitrés vivent hors du monde et le catéchisme est une sorte d’embrigadement… L’opinion publique et surtout l’ordre politique jouent donc des fonctions importantes dans la constitution de la définition de la secte. La secte, au sens contemporain du terme, reste très difficile à la définir. Ce livre y parvient aisément. Sa parution est salutaire à un moment où la méconnaissance historique, la confusion et la perte du sens des mots sont devenus banals, y compris jusqu’au sommet de la représentation politique.

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D
“Toute foi nouvelle commence par une hérésie.” disait Raymond Aron. Ainsi Jules Renard affirmait « Christianisme: hérésie de la religion juive ». Quand à Chateaubriand, il estimait que « Le protestantisme n'est en religion qu'une hérésie illogique; en politique, qu'une révolution avortée. ». On peut compléter l’approche de l’hérésie dans le champ religieux par cette affirmation de Marc Fumaroli : “La plupart des hérésies sont fanatisées par la volonté de revenir à l’Eglise primitive.” Ce fanatisme en question a ses adeptes fondamentalistes en toutes confessionns, dans ce siècle.<br /> Le champ maçonnique a un parallélisme des formes avec le champ religieux si l’on admet, ce qui n’est pas gagné d’avance, que certaines institutions 'maçonniques " s'assimilent tant par leur ADN que par leurs pratiques à une « religion de substitution ». Retenons ici l’exemple de celles qui ont fait allégeance aux Règles de Régularité et de Reconnaissance à la GLUA, leur Mère-Loge qui a défini ce qui est « légitime ». La GLUA est en quelque sorte « l’Église primitive » considérant qu’elle se réfère au « craft » c’est à dire « aux racines mythiques de la maçonnerie dans le monde des bâtisseurs de cathédrales » comme le définit une note de la GLNF qui rappelle les « principes de Base » de 1929. https://www.glnf.fr/up.phprep=/provinces/national/files/130628%20Basic%20Principles(1).pdf<br /> Portons le focal sur l’histoire et le comportement de la GLNF. Ce sont des membres du GODF il y a plus d’un siècle qui vont générer une structure dissidente en recherchant immédiatement l’onction de la GLUA. Depuis certains de ses membres rebelles vont créer à leur tour des structures dissidentes en grand nombre, pouvant ne plus respecter tous les principes de base de la GLUA. La dissidence a permis ainsi de se donner plus de libertés de conscience et de pratiques. Toutes ces structures dissidentes sont jugées « HÉRÉTIQUES « tant à Freemasons Hall, qu’à Pisan. Elles ne sont pas « pure ancienne Maçonnerie ».<br /> En août 1938, les trois Grandes Loges, d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, unifient leurs règles de reconnaissance des autres obédiences. Ces règles furent officiellement entérinées le 7 septembre 1949 par les instances de la Grande Loge Unie d'Angleterre. On y relève notamment que « Bien que consciente de l’existence de corps qui se déclarent francs-maçons tout en ne respectant pas ces principes, la Grande Loge refuse absolument d'avoir des relations avec de tels organismes, ou de les considérer comme francs-maçons. (Interdiction des inter-visites maçonniques avec eux) ». Cela est parfaitement respecté par la GLNF, mais pas toujours par certains de ses membres (inter-visites).<br /> Par contre la GLNF ne respecte pas les Règles suivantes :<br /> « Pour autant que chaque franc-maçon se comporte en bon citoyen, il est libre de ses propres opinions politiques et religieuses, mais il s’interdit de les discuter en Loge ou d’en faire état en sa qualité de maçon. La Grande Loge exige de se tenir à l'écart, en qualité de maçon, de toutes les questions touchant aux relations entre gouvernements ou entre partis politiques, ou les questions débattues par le gouvernement, y compris pour des motifs humanitaires ». Ainsi depuis de nombreuses années le blogueur de la GLNF, en sa qualité de maçon, n’hésite pas à afficher ses positions politiques et ses croyances religieuses avec tout le soutien marqué du GM Servel. Ce dernier n’a pas hésité, quant à lui, à participer à des discussions politiques avec le Président Macron lors d’un récent dîner à l’Élysée en présence de 9 autres représentants d’obédiences « irrégulières » dont certaines sont dissidentes de la GLNF.<br /> “Dans chaque église, il y a toujours quelque chose qui cloche.”<br /> De Jacques Prévert / Fatras
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