Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Rien ne vaut pour étayer une thèse générale, le fait d’aller voir ce qu’il en est dans un cas précis. Cette thèse est l’extinction prochaine de l’église catholique française, que nous avons plusieurs fois développée chiffres à l’appui sur le blog Critica Masonica et sur le site Fragments sur les temps présents. Une étude locale aussi précise que possible peut en effet s’avérer utile à la démonstration de la preuve. Nous proposons donc d’aller regarder de près ce qui se passe à Marseille, deuxième ville et troisième agglomération de France. Rappelons que Masailia en grec ou Massilia en latin, cité fondée au sixième siècle avant notre ère fut l’un des berceau du christianisme en Gaule, puisque l’on trouve notamment des traces de paléo-christianisme datant du début du IVème siècle dans la crypte de l’église Saint-Victor.
À toute fin de cerner la question, il convient de déterminer deux espaces, la ville et le diocèse, dans la mesure où les données disponibles concernent l’un ou l’autre. Il s’agit en réalité d’un archidiocèse, puisqu’il est doté d’un archevêque, Georges Pontier (né en 1943), secondé d’un évêque auxiliaire, Jean-Marc Aveline (né en 1958). Cette structure dirigeante bénéficie également d’un vicaire général, Pierre Brunet et de trois vicaires épiscopaux : Christophe Jullien, Christophe Pirgu et Olivier Spinosa, tous prêtres.
Ce territoire, comprend, outre Marseille, vingt quatre communes des Bouches-du-Rhône, les autres villes et villages du département dépendant du diocèse d’Aix-en-Provence. Il s’agit, pour les communes du diocèse, des commune de : Allauch, Aubagne, Auriol, Belcodène, Cadolive, Camp-Major, Carnoux, Cassis, Ceyreste, Cuges-les-Pins, Gémenos, Gréasque, La Bedoule, La Bouilladisse, La Bourdonnière, La Ciotat, La Destrousse, La-Penne-sur-Huveaunne, Lascours, Plan-de-Cuques, Pont-de-l’Étoile, Roquevaire, Saint-Pierre-les-Aubagne, Saint-Savournin.
L’état du clergé
Qu’en est-il de cet élément crucial dans la reproduction de la croyance, l’effectif du clergé catholique local ? D’après un article daté du 6 mars 2017, signé Laetitia Gentili dans La Provence et repris par le site « Riposte catholique », géré par des catholiques traditionalistes, mais non intégristes, c’est à dire internes à l’Église officielle et adeptes de ce que l’on appelle la « forme extraordinaire », on comptait en 2017 à Marseille 77 prêtres actifs et 58 retraités. Ces derniers ont en principe plus de 75 ans (dont Roger Etchegaray, ancien archevêque, âgé de 96 ans). Marseille compte également cinq séminaristes et dix religieux. Ce total de 135 prêtres vivants correspond à environ 1,5% de l’effectif national à cette date (11 500).
Si nous en croyons les sources officielles, deux nouveaux prêtres ont été consacrés à Marseille en 2012, un en 2013, un en 2014, un en 2015, deux en 2016, trois en juin 2017, un en 2018, un en 2019. Mais il convient d’attendre pour cette année le mois de juin, moment traditionnel choisi pour les ordinations.
Quant au site officiel de l’Église locale, marseille.catholique.fr, il nous donne des détails sur les congrégations (voir infra) et indique, pour les prêtres, un effectif plus important. Il y aurait en effet, d’après cette source, à Marseille 153 prélats pour une superficie de 65 000 hectares, une population de 980 000 habitants, dont 600 000 chrétiens, et 200 000 foyers catholiques, plus 22 diacres permanents, 7 séminaristes, le tout réparti en 14 secteurs. Le site indique également l’existence de 116 paroisses, dont quatre de rite oriental (arménienne, chaldéenne, grecque melkite et maronite) et deux de langue espagnole et italienne. Il est possible, sinon probable que soient comptabilisés ici les prêtres membres de congrégations, non séculiers mais réguliers, notamment jésuite et dominicaine, qui ne sont donc pas diocésains, ce qui expliquerait ce décalage.
Nous pouvons estimer une perte annuelle de 800 prêtres pour l’Église de France (décès et départs), Marseille comptant avec ses 153 prêtres pour 1,5% d’un total national d’environ 10 000, cela nous donne une estimation de 12 décès ou départs par an, pour 1,5 arrivée en moyenne, soit un différentiel de 10,5 par an, ce qui nous permet d’arrondir sur les cinq ans à venir à une perte de 52 prêtres.
En conséquence, en partant de l‘hypothèse haute de 2017, à savoir 153 prêtres, on en compterait, en 2022, 101 à Marseille. En 2027, l’effectif descendrait à 49, puis viendraient des années terminales avec quelques prêtres valides isolés. La fin de la messe marseillaise pourrait donc intervenir avant ce que nous avons prévu pour l’ensemble du pays, dans une quinzaine d’années, autant dire demain.
Récemment, un laïc travaillant pour une des grandes églises de Marseille depuis des décennies nous a affirmé qu’on ne comptait début 2019 qu’une centaine de prêtres à Marseille, dont la moitié en retraite et certains très âgés, quelques uns des retraités les plus valides venant donner un coup de main à leurs confrères plus jeunes. L’érosion décrite ci-dessus pourrait donc être plus rapide et sur la petite centaine d’églises de Marseille, un grand nombre pourrait rapidement fermer. On note déjà la reconversion de l'Eglise de Bernardins en théâtre du même nom. D'autres devraient suivre rapidement.
Les effectifs des congrégations marseillaises ne sont pas non plus très garnis. En voici le détail, toujours d’après les sources officielles de l’Église, disponibles en ligne
-Jésuites (15), responsable Thierry Lamboley. Membres de la communauté : Christian Bardet, Alain Feuvrier, Pierre Clermidy, François de Valroger, Benoît Ferré, François-Xavier Le Van, Jacques Perrin, Henri Chalon, Jean-Luc Ragonneau, Pierre de Charentenay, Steves Babooram, MoïseMouton, Michel Joguet, Paul de Montgolfier.
On notera que seuls douze serviteurs de Jésus (SJ), dont la devise est ad majorem dei gloriam, figurent sur la photo de famille que l’on trouve sur le site de la Compagnie. La gestion des églises Saint-Ferréol et Saint-Cannat situées au Vieux port leur a été confiée, cette dernière ayant été créée par leurs frères ennemis historiques, les dominicains.
Chez les jésuites, tous les membres sont des prêtres, ce qui n’est pas le cas de tous les dominicains (OP, ordre prêcheur). Le site des OP (ordre prêcheur) annonce une vingtaine de membres, parmi lesquels les novices de la province de Toulouse dont dépendent les Marseillais. Mais leur effectif marseillais n’est peut être plus que de 5 membres, chiffre qu’ils annoncent sur le site et dont nous avons mis les noms en italique. Leur responsable est Hugues-François Rovarino.
Membres : Paul Amargier, Dominique Barré, Denis Foucher, Daniel Gilbert, Albert-Fabien-Joseph-Hignette, Henry Kühlen, Mari, Jean-Marie Mérigoux, Romaric Morin, René Quan, Vincent Tierny.
Les dominicains servent une messe quotidienne dans leur couvent Saint Lazare, situé dans le 6ème arrondissement de Marseille.
Quant aux des communautés suivantes, elles ne comprennent que des moines ou des religieuses
- Ordre des frères mineurs franciscains (7), responsable : Batitte Mercatbide Membres de la communauté : Yannick Le Maou, Thierry Gourdet, Boris Barun, Alain Paget, Josep Marin Vizcaino, Gilles Cavellec
- Camiliens (3), responsable: Hodonou Erick Balogoun. Membres de la communauté : Josué Loko, Daniel Barrigah
- Religieuses trinitaires de Valence (9), responsable de la communauté : Henriette Razafindramanana. Membres de la communauté : Bénédicte-Marie Lecaillon, Jean-Dominique, Ferreyroles, Marie-Agnès Ravaoarisoa, Marie-Edwige Makoundou, Adriana Maria Roo Higuita, Sigolène Asta Kamoune, Marie-Louise Ranivoarimanana (Postulante)
- Servantes de Marie (11). Membres de la congrégation : Rosario Bea, Ignacia García, Cándida Fernández de Trocóniz, Consuelo Gutiérrez, Presentación Orruño, Isabel Sáez de Ocáriz, Matilde Zubiría, Agustina Casas, Teresa Muñoz, Paloma Garcia.
- Familles missionnaires de Notre-Dame (3), responsable : Sœur Blandine. Membres de la communauté :Sœur Marie-Céline, Sœur Rita
-Institut missionnaire des filles de Saint-Paul, non renseigné
Conclusion
Tout ceci relève, on le constate aisément, d’une logique groupusculaire qui promet de libérer prochainement, on l’espère pour d’autres personnes que des promoteurs sans scrupule, des lieux souvent privilégiés, d’où la prière aura disparu, mais où certains viendront respirer un parfum de nostalgie dans de vielles pierres que l’on parfumera peut-être encore à l’encens.
Pour celles et ceux qui s’intéresseraient à cette question, signalons le premier ouvrage consacré à la reconversion des lieux de culte catholique qui vient de paraître au Presses universitaires de Lyon, sous la direction de Benjamin Chavardès et Philippe Dufieux et intitulé L’Avenir des églises, qui souligne dès son introduction les risques de destruction de lieux de culte. Le livre ne parle pas de Marseille, mais montre bien comment se pose la problématique de transformation des bâtiments que les fidèles et surtout les prêtres ont désertés.
Coda
André Suarez (1868-1948) a commis en 1921 un Marsilho flamboyant où il dit autant de bien de la ville qu’il dit de mal de ses habitants et de leur culture. Il écrit : « Ses églises sont la honte de Marseille, moins deux où personne ne va, que personne ne connaît ; mais ses lupanars en sont l’orgueil légitime, la vertu, la pudeur si l’on peut dire, et la majesté. La beauté a de ces retours et de ces exigences. Saint-Joseph est vraiment une vespasienne ; il en est cent, à Rome, beaucoup plus riches et plus impériales. Saint-Philippe, un bureau de poste. Le Réformé, une exécrable pendule plantée au milieu de la ville, pour sonner l’heure du berger, mais elle ne marque jamais le temps sans faillite ou d’aller au lit faire un avorton (…) ».