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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Les Musulmans et la machine de guerre nazie » de David Motadel

Jean-Pierre Bacot

 

Cet ouvrage, publié par les éditions de La Découverte, fera sans doute couler de l’encre. Il s’agit de la traduction française par Charlotte Nordmann du livre de David Motadel Islam and nazi’s Germany war, publié en 2014 par Harvard University Press. Bien que ce  travail historique ait été écrit en anglais, son jeune  auteur (né en 1981) est de nationalité allemande. Sa thèse, solidement étayée (il a enquêté dans quatorze pays), est de dédouaner les dizaines de milliers de combattants musulmans qui ont combattu aux cotés de la Wehrmacht et de la Schutzstaffel (SS) de toute idéologie nazie et de tout antisémitisme. En 2017, David Motadel a d’ailleurs récidivé avec un ouvrage écrit cette fois-ci en Allemand et non encore traduit. : Für Prophet und Führer. Die Islamische Welt und das Dritte Reich, Klett-Cotta, Stuttgart 2017.

 

Pour David Motadel, si les soldats en question ont accepté de collaborer avec les troupes nazies, c’était d’une part pour trouver de quoi se nourrir et sortir de leur misère et, d’autre part, pour se venger de la puissance coloniale française et de l’URSS.  En quelques mots convenus, l’ennemi de mon ennemi  était mon ami… La décision stratégique des Allemands, stoppés en Russie et enlisés dans le désert Nord-africain fut de construire une vision de l’Islam positive dépassant les préjugés racistes longuement installés depuis a minima leur prise de pouvoir et, surtout, destinée à être opérationnelle. Les nazis, Hitler au premier chef, considéraient l’Islam comme une religion autoritaire facilitant l’embrigadement militaire. Dans cet ouvrage on peut lire des phrases fortes comme celle-ci, dans la bouche d’Heinrich Himmler, alors chef suprême de la SS, en janvier 1944, intervenant devant les fonctionnaires du bureau de la politique raciale du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei-NSDAP) : « Je sois dire que je n’ai vraiment rien contre l’islam, qui se charge d’éduquer ces hommes en leur promettant le paradis s’ils sont tués au combat. Difficile d’imaginer religion plus utile et attirante pour un soldat » (p.245). La tentative, réussie, d’engranger des musulmans dans leur combat commença pour les nazis en Afrique du Nord en 1941, puis deux années plus tard dans les Balkans.

 

Le gros travail réalisé par David Motadel sur les archives allemandes et autres, montrant la lente résolution de la contradiction entre racisme et réalisme mérite d’être remarqué (même si, censé faciliter la lecture, le rejet des notes en fin d’ouvrage la rend en réalité passablement pénible), mais il ne convainc nullement sur une hypothèse non dite, mais évidente : celle d’une grande naïveté des musulmans.

 

Après avoir narré par le détail les ratées de cette stratégie notamment dans les Balkans, l’auteur nous explique à la fin de son livre que les Russes, comme les Américains, ont continué à instrumentaliser l’Islam et, dans ces deux derniers cas, à fabriquer des terroristes. Il écrit (p.322) : « Comparée à d’autres campagnes de mobilisation de l’Islam, la politique menée par l’Allemagne nazie fut à la fois l’une des plus courtes et des plus improvisées. Par sa portée géographique et son intensité, cependant, elle fut une des tentatives les plus vigoureuses ». Osons dire, au risque de construire une polémique, que d’une part l’attitude des Russes et des Américains, aussi négative qu’elle ait été, ne peut être comparée à l’holocauste (repensons à la différence établie entre 1945 et 1946 entre crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide). De plus, il existe une forme de racisme envers ceux qui se sont engagés dans des divisions SS, si l’on considère qu’ils étaient assez idiots pour ne pas comprendre ce qui se passait et que l’on peut les dédouaner de tout antisémitisme et de toute complicité dans l’accompagnement des visons du IIIème Reich. Cela est d’autant plus vrai que de très nombreux musulmans refusèrent de succomber à la séduction. Il existait donc bien un choix. Pourquoi, entre autres exemples historiques, ne pas penser aux Noirs qui combattirent en nombre dans l’armée américaine, qu’ils étaient instrumentalisés sans savoir ce qu’ils faisaient ? Quant aux collabos français, on peut aussi s’ingénier à leur trouver des excuses.

Oubliant,  parmi les faits incontestables, les contacts établis entre le grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, reçu par le Führer à Berlin dès novembre 1941, il semble d’une part que pour certains, les Arabo-Berbères, les Turcs et nombre de Caucasiens, soient assignés à l’Islam, comme si les Occidentaux ne  s’étaient pas de leur côté libérés pour la plupart de leurs religions locales. D’autre part, et souvent par les mêmes, les musulmans sont considérés comme une sorte de prolétariat mondial, incapable de compréhension et par là-même exclu d’une démarche d’émancipation, laquelle serait, bien sûr, un sous-produit de l’impérialisme occidental, comme  tant d’autres choses, à commencer par le féminisme et la liberté d’expression. Vous avez dit islamo-gauchisme ?

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