Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
À celles et ceux qui se demandaient quel intérêt il pouvait y avoir à annoncer la fin du clergé marseillais pour 2035 environ, nous répèterons tout d’abord qu’il s’agissait d’un cas d’école destiné à vérifier l’hypothèse nationale, ce qui fut fait. Mais cette lente agonie qui devrait durer une quinzaine d’années n’est pas sans conséquence sur la vie des habitants, comme en témoignent amplement deux affaires que nous voudrions ici rapidement résumer.
Deux événements récents nous amènent en effet à préciser que le diocèse de Marseille est aux abois. Le premier concerne le foyer Saint-Just, dans le treizième arrondissement, que l’Église veut mettre en vente depuis des années. Après avoir accueilli diverses sortes de personnes en difficulté, l’immeuble a été occupé par des volontaires spécialistes des immigrés, les recevant et les prenant en charge dès leur arrivée. La procédure d’expulsion a été retardée à plusieurs reprises, mais arrive à expiration. Quel que soit l’avenir du bâtiment, il aura perdu sa fonction sociale, qu’elle soit ou non gérée par l’Église locale. Une lutte est engagée qui implique tous les niveaux de décision politiques et religieux, afin de trouver un autre local si celui-ci devait être vendu, on ne sait à quel prix, eu égard aux travaux de réhabilitation qui seront nécessaires. Pour les passionnés d’histoire, selon un texte du groupe « alterrandonnée », publié en mars 2017, que nous reproduisons ici, on comprend jusqu’où remonte l’affaire :
« Face au n°59 de la rue Saint Just, l'Évêché de Marseille a vendu en 1837 à Mère Marie des Anges, supérieure d’une congrégation, un terrain sur lequel elle fit construire des bâtiments faisant office de logements et de pensionnat de demoiselles. Elle acheta également en 1851 un bâtiment annexe, dénommé ʺLa Colombièreʺ, qui fut utilisé comme école de demoiselles. Par crainte d'une nationalisation éventuelle, le tout fut constitué en 1888 en société civile, dite des «Dames réunies ». Après la seconde guerre mondiale, les bâtiments servirent à la fois de foyer pour étudiants, mais aussi de dispensaire et de centre aéré pour les jeunes du quartier. Aujourd'hui, (en 2017) il subsiste toujours une maison de retraite de 80 lits. Sur ce même terrain, l’association « Habitat et humanisme Provence » a inauguré en novembre 2014, un ensemble immobilier social, constitué à la fois de la pension de famille Hippone et de la résidence intergénérationnelle Saint-Just, pour 63 ménages pour des personnes à faibles ressources et souffrant d’isolement, ayant besoin de se stabiliser et de prendre un nouveau départ dans la vie. On y trouve également le foyer Saint-Just qui est une maison de retraite pour prêtres et non ouvert aux laïcs. Enfin, l'Arche y accueille en internat huit personnes ayant des déficiences intellectuelles ».
Tout cela s’est transformé l’année suivante lors de l’évacuation des lieux par les différents occupants avec un squat, certes des plus généreux et qui pose du coup aujourd’hui problème à ceux des catholiques dont la fibre sociale s’oppose à la logique immobilière de leur Église locale. Les résistants à l’expulsion sont regroupés au sein d’un « comité 59 ».
L’autre exemple concerne le théâtre de La Comédie de Marseille qui est situé au 107, boulevard Jeanne d’Arc dans le cinquième arrondissement, sur un terrain dont le diocèse est également propriétaire et qu’il veut vendre pour construire un supermarché. Mais comme le théâtre en mal de subventions est en dette, le directeur, Jean-Pascal Mouthier qui fut obligé de souscrire un prêt en son nom propre est menacé d’expulsion, y compris pour sa propre maison afin de payer des dettes qui s’élèveraient à 110 000 euros. Il a entamé une grève de la faim.
Depuis 2005, le théâtre est menacé dans son existence-même. Pourtant un sursis semblait être intervenu avec l’engagement d’un élu local, Bruno Gilles (sénateur Les Républicains), mais qui paraît s’être retourné. Du coup, tous les acteurs, musiciens, danseurs, metteurs en scène et techniciens qui devait participer à la prochaine saison attendent impatiemment le dénouement de l’affaire. Le personnel de ce théâtre est en bataille à la fois contre la mairie et contre le diocèse et a organisé avec d’autres intervenants dans le champ culturel plusieurs manifestations. D’abord il y eut une représentation gratuite destinée à publiciser l’affaire et permettre de rentrer quelque argent, le 19 avril dernier, ensuite une marche de nombre de gens de culture et de sympathisants le dimanche de Pâques depuis l’église Saint-Laurent jusqu’à la cathédrale Sainte-Marie-Majeure afin d’accueillir dignement à la sortie de la messe l’archevêque Georges Pontier, en place depuis 2006 et président de la conférence des évêques de France, ainsi que quelques élus locaux catholiques pratiquants.
Dans les deux cas, l’économe de l’Église locale, Laurent Charignon, tient un rôle majeur dans ces affaires. Privée de plus en plus de prêtres et de fidèles, la direction du catholicisme marseillais met donc en vente les biens de famille et l’on peut par conséquent s’attendre à d’autres sujets de polémique dans les mois et les années suivantes et voir d’autres secteurs touchés par ce qui relève des conséquences de ce que nous avons démontré en long et en large, au risque de lasser les sceptiques.