Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Science-fiction, uchronie, prospective. Nous ne discuterons pas ici les termes possibles pour qualifier une telle entreprise. L’auteure, Marie-Dominique Robin se place en tout état de de cause en 2034, date à laquelle - auto promotion - nous posons l’extinction du clergé catholique, ce qui n’est pas sans rapport, nous le verrons, avec le choix final proposé. Son propos est d’étudier ce que pourrait-être concrètement une société post-croissance où les humains auraient réussi à survivre en prenant en compte notamment un célèbre rapport d’experts sur l’évolution du climat. Pour Marie-Dominique Robin, c’est l’idéologie de la croissance qui nous a menés aux limites de la catastrophe. Vu le débat qui a nourri pour partie les élections européennes et qui promet de s’intensifier, un tel livre tombe à point pour qui entend approfondir ce qui va suivre dans les diverses tentatives de recomposition du paysage idéologique et politique.
Préfacé par Gaël Giraud sous un titre explicite: « Pour une politique de l’après Macron » et postfacé par Mathieu Ricard : « Pour une harmonie durable », cet ouvrage pose un regard d’un optimisme mesuré sur la capacité que nous avons de prendre dès aujourd’hui des initiatives, à commencer par ce qui constitue l’indicateur central, l’augmentation de la température et, corrélativement, du niveau des mers, ce qui concerne en France, directement, des millions de personnes habitant près de côtes méditerranéennes ou atlantique, voire d’autres océans pour les départements et collectivités d’Outre-mer. L’auteure choisit une période bien plus rapprochée que ses confrères et consoeurs qu’elle cite, Erik Conway et Naomi Oreskes, qui ont produit en 2014 un livre : The collapse of Western Civilisation. A view from the future, qui se situe en 2393.
En son introduction, Marie Dominique Robin part d’une expérience personnelle. Ayant eu l’occasion de couvrir comme journaliste les diverses conférences qui ont en lieu de par le monde sur le climat, elle pose l’année 2014 comme ayant été celle d’une prise de conscience assortie de décisions. Son propos est donc d’imaginer, alors que nous ne sommes qu’au quart de cette période, ce qui, vingt années après ce tournant, aura déjà pu advenir de la course entre le changement climatique et de ses conséquences, ainsi que les effets des mesures qui auront été prises. L’auteure est l’une des rares à prendre fait et cause par les temps qui courent pour l’ancien président de la République, François Hollande, dont elle pense qu’il a agi, dans ce registre, aussi courageusement qu’efficacement au service de la sauvegarde de la planète.
Dans une première partie, Marie-Dominique Robin déconstruit le mythe de la croissance dont elle considère l’adoption comme « une alliance avec le diable » et dont la notion d’homo economicus fut une figure centrale. Mais il ne faut pas compter sur les nouvelles technologies pour le remplacer à croissance égale. Si nous ne voulons pas finir comme l’empire Maya, nous dit-elle, il nous faudra échapper à la menace de l’effondrement. Rien à voir avec le post-humanisme auquel certains réfléchissent, c’est bien de la sauvegarde de l’humain tel qu’il est qu’il s’agit.
La deuxième partie s’intitule « Le grand gâchis ». Acte est d’abord prix de la fin du pétrole « le sang de la civilisation moderne », avant une « menace d’un grand effondrement » dont peu ont le souci d’y penser sans rejeter l’idée comme une paranoïa. Plus nous attendrons, nous explique-t-elle, plus la facture sera élevée. Un argument sera difficile à accepter, même s’il est solidement argumenté, celui de la nécessite de mettre fin à la course au pouvoir d’achat qui accompagne la course à la croissance. À ce propos, on pourra reprocher à l’auteure de ne pas bien poser la question de la répartition des richesses.
La troisième partie relève d'une longue description de ce que pourrait être sous peu « la grande transition ». En commençant par donner l’exemple des fermiers urbains qui commencent à exister, Marie-Dominique Robin plaide pour une politique énergétique qui semble plus convaincante que ce qu’elle nous décrit comme révolution monétaire à venir ou son concept trouvé au Bhoutan de « Bonheur national brut ». Une sorte de conversion au bouddhisme du Grand véhicule serait-elle la solution ? Il est permis de douter qu’elle soit transposable dans notre contexte culturel comme en témoignèrent jadis entre autres propositions, l'impasse de la théosophie d'Annie Besant.
En conclusion, l’auteure qui a également réalisé un film sur ces thématiques sous le même titre de Sacrée croissance en 2013, définit trois priorités aussi évidentes que cruciales : la réduction des émissions de CO2, le développement de l’agriculture biologique et des énergies renouvelables et la fin du capitalisme sauvage, que cela soit en Occident ou dans les pays sous développés. Toutes celles et ceux qui intègrent à leur pensée et à leur action les préoccupations écologiques, particulièrement sensibles nous disent les analystes, dans la jeunesse, auront à cœur de se confronter à ces problématiques explicitées dans ce livre de manière très pédagogique.