Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
31 Décembre 2019
Jean-Pierre Bacot
En 1928, Josemaría Escrivá de Balaguer fondait une organisation de défense du catholicisme qui, alors qu’elle avait pris son essor à l’échelle internationale, devint en 1982 une prélature personnelle du Pape : la Praelatura sanctae crucis et Operis Dei. Entre temps, l’Opus Dei (OD) aura notamment servi d’appui à la dictature franquiste en Espagne.
Aujourd’hui 15 000 adeptes existent dans le monde, dont les deux tiers possèdent suffisamment de revenus pour payer une cotisation. Cela rend l’OD qui se voulait pauvre à l’abri du besoin, d’autant qu’il reçoit des dons qui le mettent assez loin de son idéal. En France, quelque 1 000 adhérents, moitié hommes, moitié femmes, le plus souvent séparés dans leurs activités religieuses, dont 26 prêtres, gèrent notamment des résidences étudiantes et tissent un réseau qui les a fait suspecter de comportement sectaire, du fait de pressions psychologiques dénoncées par d’anciens adeptes.
Idéologiquement parlant, le pari de l’OD a toujours été de contrer la partie « progressiste » ou « moderniste » du catholicisme. Aujourd’hui, il s’agit de limiter la déshérence en s’appuyant sur certains politiques de droite et des hommes d’affaires. Dans les années qui vont suivre, l’OD devrait fonctionner comme une des composantes de la marge active, mais de moins en moins efficiente, des organisations traditionalistes et intégristes catholiques, dans sa partie laïque.
Par ailleurs, le travail fouillé de Philippe Liénard (éditions Jourdan) nous montre que non seulement la franc-maçonnerie fonctionne comme ennemie privilégiée de cet Opus Dei, mais que toutes celles et ceux qui se sont un jour attachés à établir une comparaison sous prétexte de culture du secret étaient dans un pur fantasme.
Quant à la puissance réelle de cette organisation, comme son pouvoir de nuisance, ils semblent finalement assez limités. L’auteur du livre qui nous a accordé une longue interview dans le numéro 14 de Critica Masonica nous décrit une sorte de demi-secte, une semi-mafia, une organisation hors du temps.
Même si l'auteur semble moins optimiste que nous, on peut compter sur le Pape actuel, François, issu d’une famille jésuite que l’on peut considérer comme étant l’ennemi historique de l’Opus Dei, pour ne faire aucun cadeau aux descendants de Balaguer. Dans certains pays comme le Pérou, le Souverain pontife qui n’a nul besoin de bras armé, s’est attaché à saper l’influence que l’organisation avait prise dans le clergé local, soucieux qu’il est de ne plus tolérer un État dans l’État. Se penchera-t-il sur la Belgique, chère à l’auteur de ce livre ? L’avenir proche nous le dira.