Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Benjamin Rathery
David Snug imagine dans Dépôt de bilan de compétences (Nada, 2020) sa rencontre avec lui-même à l’âge de 15 ans. Et à l’âge mâture, l’auteur se situe plus dans la veine de Jacques Higelin chantant « Qu'il est donc doux de rester sans rien faire/ Tandis que tout s'agite autour de soi » (Poil dans la main, 1989) que dans la célébration de la « gloire au travail. »
La contestation du travail est tellement radicale dans l’ouvrage de David Snug que Julien Bordier, sociologue, signe une postface intitulée « Critique du travail. Mode d’emploi » suivie d’une bibliographie allant d’Hannah Arendt avec La condition de l’homme moderne à Simone Weil avec La condition ouvrière. Mais l’intérêt principal se situe dans l’histoire de cette rencontre en bande-dessinée entre le « jeune » et l’« adulte » qui permet de revisiter les différentes expériences du héros au pays du travail salarié avec un humour aussi poétique et absurde que réjouissant. Car, entre travaux répétitifs et petits chefs obtus, la charge est aussi drôle que juste.
Dans ce parcours et ces échanges avec lui-même adolescent, David Snug finit par célébrer le travail, mais dans un sens bien particulier. C’est le travail à la façon des Grecs anciens, synonyme de noble loisir qui entretient le corps et l’esprit et n’est jamais confondu avec ces activités qui réduisent l’être humain à une nécessité matérielle et le soumettent aux ordres d’autrui. Bref il s’agit bien de distinguer le travail (positif) de l’emploi (négatif) ! Le travail n’est alors plus ce facteur d’aliénation et de contraintes, ce moyen d’asservissement des classes dominantes sur les classes dominées, il devient un facteur d’intégration et de reconnaissance sociale, il est le support d’une liberté créatrice et, ainsi, une composante essentielle de l’humanité. Le héros de David Snug choisit ce qu’il ne nomme pas « travail », mais appelle ses « activités » en faisant des bandes-dessinées et de la musique. Et il rappelle l’essentiel : « Je fais ce que j’aime »... « même si ça ne rapporte pas grand chose. »
