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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

"Noire n’est pas mon métier", collectif d’actrices noires sur une idée d’Aïssa Maïga

 

Benjamin Rathery

 

Alors que des mouvements importants s’élèvent contre les violences policières envers les Noirs aux États-Unis et dans le monde, il y a deux ans, un ouvrage protestait contre les violences culturelles aux relents de racisme et de sexisme dans le cinéma français.

 

Elles étaient ainsi 16 à raconter leur vécu d’actrices noires (1), dans Noire n’est pas mon métier (Seuil, 2018). Elles témoignaient des rôles où elles étaient cantonnées. Sara Martins les énumère : « maîtresses, coups d’un soir, voisines tentatrices, go-go danseuses, charmeuses de serpents et dompteuses de fauves... » et Sabine Pakora complète : « des prostituées, des femmes sans papier, des marâtres cupides malintentionnées, des femmes africaines à l’humeur joviale, folkloriques, ridiculisées. » Comme le constate Rachel Khan : « Les rôles que l’on me propose, rôles dits ʺde Noiresʺ, ne font pas rêver », ce que Sabine Pakora résume aux « rôles stéréotypés pour des personnages périphériques, toujours en position subalterne. » 

 

Ces 16 actrices posaient la question de la persistance dans le cinéma hexagonal, d’« un racisme ordinaire » (Nadège Beausson-Diagne), d’un « racisme nébuleux » où « l’imaginaire des productions françaises est encore empreint de clichés hérités d’un autre temps » (Aïssa Maïga), où les personnages interprétés par ces actrices noires « construisent une image de l’autre purement exotique » (Sabine Pakora). « L’inconscient collectif a créé des archétypes qu’il est difficile de contourner » regrette Sara Martins (2).

 

Mais ces actrices dénonçaient surtout l’écart, le « vide retentissant en termes de représentation de la réalité sociale, démographique, ethnique française ». Car la France des fictions se vit « souvent comme exclusivement blanche et ignore sa part de métissage » : « dans ma ville, Paris, les Noirs sont partout. Dans les films, nulle part » (Aïssa Maïga). Sabine Pakora posait les questions qui fâchent : « À l’écran, être noir est perçu comme un handicap... davantage que dans la société et dans la vie quotidienne. Pourquoi le cinéma français intègre-t-il si difficilement cette évolution ? Pourquoi est-on toujours perçu comme un être pittoresque dépeint par l’anthropologie du début du XXe siècle ? » Des questions qui dépassent le seul monde du cinéma français et des réponses qui intéresseraient la société toute entière.

______________________

1. Nadège Beausson-Diagne, Mata Gabin, Maïmouna Gueye, Eye Haïdara, Rachel Khan, Aïssa Maïga, Sara Martins, Marie-Philomène Nga, Sabine Pakora, Firmine Richard, Sonia Rolland, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja Touré et France Zobda.

2. Lire Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boetsch, Dominic Thomas et Christelle Taraud (dir.), Sexe, race & colonies. La domination des corps du XVe siècle à nos jours, La Découverte, 2018.

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M
Ceci, est une réflexion importante
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