Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
D’abord et avant toute chose, voici une revue amie qui est sortie vivante du tunnel. Quinzinzinzili, 13ème année n°XLII nous offre un contenu aussi riche qu’à l’accoutumée. Commençons par la fin ou presque et une reprise d’un thème classique : mais qui diantre inventa la science fiction ? C’est L’Empire savant de Pierre-Marie Desmarets, dont on pense sans certitude qu’il fut écrit dans les années 1820 qui nous est présenté comme proposant un final qui ressortit au genre. Mais pour Jean-Guillaume Lanuque, la volonté de l’éditeur Archéo-SF et du présentateur du livre Vincent Haegele d’en faire un ancêtre de la science fiction est exagérée. L’ouvrage est en effet bigarré et « les quelques anticipations, bien réelles sont isolées dans un récit qui ne peut, au mieux, être vu que comme une transition entre le XVIIIème et le XXIème siècles ».
Anne Gabriel nous livre une chronique des bouquinistes qui ferment à Paris pour cause d’explosion des loyers, d’un manuel de français pour classes de seconde, où Messac a trouvé sa place, de l’influence de l’arabe sur la langue française et de l’incertitude qui règne sur le 30ème salon de la revue prévu à Paris du 9 au 11 octobre. Mais le plus important de cette rubrique tient sans doute dans deux hommages rendus :
D’abord à Maurice Rajsfus, rescapé de la rafle du Vel d’hiv, défenseur de la cause palestinienne, sociologue spécialiste des violences policières, décédé en juin.
Ensuite à André Roumieux, infirmier psychiatrique qui lutta sa vie durant contre la logique de l’enfermement et se fit historien de l’institution asilaire, disparu en mai.
Guibert Lejeune présente dans la première partie d’un article à suivre, un écrivain oublié, mais qui fut très important dans la vie de Régis Messac, à l’œuvre duquel cette revue est dédiée, Gilbert Serret . Issu d’une famille anticléricale, né en 1902, il épousa civilement une militante féministe, France Serret. Syndicaliste enseignant, il avait auparavant adhéré au parti communiste et lutté contre la guerre au Maroc. Il quitta le parti en 1929, refusant l’inféodation des syndicats à la ligne de Moscou. Messac et Serret firent connaissance en 1943 au congrès de Montpellier de la Fédération unitaire de l’enseignement, qui valut aux syndicalistes la vindicte de La Croix à laquelle Messac répliqua vertement. Il y eut même une rencontre avec Léon Trotsky, mais qui ne donna rien. La magouilleur en chef avait trouvé ses maîtres.
La Russie encore dans le papier d’Etienne d’Issensac qui revient sur Confession de Michel Bakounine, réédité en 2013 au Passager clandestin et précédemment sorti en 1919 des archives de la police secrète du Tsar. Victor Serge, en 1921 et Régis Messac en 1932 l’ont commentée. Longtemps prisonnier en Russie avant se s’évader en 1891, Bakounine avait milité en 1848-1849 en France et en Allemagne. La forme que prend cette « confession » peut paraître étrange, mais comme l’écrivit Messac : « Si vous étiez les fers aux pieds au fond d’un cachot, sous le coup d’une condamnation à la détention perpétuelle, auriez-vous le courage de cracher votre mépris à vos geôliers et de renoncer à tout espoir de libération pour sauvegarder votre amour-propre et votre dignité ? »
In fine, on trouvera une recension du fureteur en chef la Bibliothèque nationale de France (BNF), Patrick Ramseyer d’un ouvrage de Jacques Oncial : Le trésor des équivoques, des apostrophes ou contrepèteries, magnifique parangon du beau et honnête langage. Patrick Ramseyer a pu établir que l’auteur de cet ouvrage publié en 1909 par celui qui était alors magistrat à 350 exemplaires, s’appelait en réalité Mathieu-Gabriel Dupré-Carra, (1871-1921). On ne mourra pas idiots.