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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« L’Idée libre » et « La Raison, deux vénérables revues qui tiennent la route

Jean-Pierre Bacot

Nous avons reçu à la rédaction le n° 655 du mensuel La Raison, mais aussi, pour la première fois, deux numéros d’une autre publication de la Libre pensée, L’Idée libre. L’un est consacré à la Corse, dont nous rendrons compte plus tard, et l’autre à un dossier « Où va l’Inde ? ».

C’est un constat pessimiste que dressent les auteurs en un moment d’affrontements interethniques meurtriers dans ce sous-continent. L’article « Le Cachemire au bord de l’abime » de Tariq Ali note au passage les liens établis par l’Inde avec Israël (lutte contre les musulmans oblige). Dans la lecture historique dominante de ce numéro 330, figure la contribution de Simon Deschamps sur la franc-maçonnerie coloniale anglaise, laquelle finit tardivement par accepter des indigènes. C’est paradoxalement dans ce foyer qu’allaient se former nombre de nationalistes anglais. Christine Laubary-Besson traite de la mode du cricket amenée par les Britanniques aux Indes, autre trace de colonialisme acceptée jusqu’au Pakistan.  On lira également le portrait de Manabedra Nath Roy (1887-1953) que Babu Gogineni définit comme « un philosophe de la révolution humaniste ». Débutant son existence comme penseur marxiste, il en vint à défendre l’universalisme de l’esprit des Lumières. Dans un autre article, l’auteur nous parle d’un village en proie à la croyance des fantômes où il a réussi avec quelques amis à démystifier l’affaire.

Avec une analyse de la situation politique actuelle de l’Inde, Claude Singer estime que le premier ministre Narenda Modi et son ministre de l’intérieur Amit Shah mettent aujourd’hui le pays à feu et à sang. La crispation identitaire des hindouistes faisant payer le prix fort aux intellectuels, journalistes et rationalistes locaux. Il faut  reconnaître que les libres penseurs français ont plus d’une fois attiré l’attention sur une répression dont tout le monde ou presque a l’air de se désintéresser. Claude Biardeau tente de son côté de mettre en perspective indienne les deux notions de laïcité et de sécularisation, toutes deux mises en cause par l’attitude des ultranationalistes qui installent de fait une théocratie régressive.

On notera enfin dans ce dossier fort intéressant la contribution de Michèle Singer sur la situation des femmes en Inde, longtemps victimes d’avortements forcés, l’affaire étant compliquée par la tradition de la dot que la mariée doit apporter lors de son mariage, pourtant interdite en 1961, mais qui continue de coûter la vie à des milliers d’indiennes. Fort heureusement, il existe des féministes en cet immense pays. Une série télévisée datant de 2019 et s’appelant Dehli Crime consacrée au viol collectif d’une étudiante en 2012 dans un autobus a fait prendre conscience à  beaucoup que cela commençait à bien faire en matière de machisme. 

Deux articles en « varia » traitent pour le premier d’un personnage agent actif de la politique vaticane, le cardinal américain Clarence Thomas, par Philippe Besson ; le second traite des risques d’éclatement du Royaume-Uni. Il est écrit par Fabien Jeannier.

Quant à la revue de la même organisation, La Raison, n° 685, datée d’octobre 2020, elle traite essentiellement des relations entre le pape Pie XII et le troisième Reich. Au centre de ce dossier, on trouvera un article d’Annie Lacroix-Riz dont nous avons déjà rendu compte de l’œuvre majeure sur ce blog où elle définit le rôle du Cardinal Pacelli devenu Souverain pontife comme n’étant pas une exception. Pie XII fut, sa vie durant, un agent d’influence de l’Allemagne. L’autrice insiste sur l’offensive médiatique et, disons-le, révisionniste qui tend aujourd’hui encore à défendre rétrospectivement le pape. Dans sa conclusion, Annie Lacroix-Riz, insiste sur le fait que nombre d’historiens ne font pas leur travail et note « À ce niveau de capitulation scientifique, on ne peut que recommander la lecture des travaux qui, en langue française (originelle ou après traduction), sont voués à l’obscurité durable et qui, quand il s’agit d’ouvrages étrangers fondamentaux, sont quasi systématiquement soustraits à la traduction ». Ajoutons que pour ce qui concerne les travaux de l’autrice, le refus de son éditeur Armand Colin de transmettre des services de presse ne facilite pas le travail des médias comme le nôtre.

La revue traite par ailleurs les sujets touchant à la laïcité d’une manière internationale, comme elle le fait d’habitude, sans oublier la France. Et il ne manque pas d’entraves à la laïcité et aux droits de l’homme que La Libre Pensée traque systématiquement. À propos de la situation sanitaire que nous traversons, Dominique Goussot parle d’un aspect négligé : la crise du funéraire. On trouvera également les résolutions de ce que fut le congrès national virtuel de l’organisation, les résolutions votées tournant autour de la défense de la loi de 1905, et notamment contre toute organisation du culte musulman.

Les temps étant, sauf erreur, à une lutte enfin largement assumée contre les obscurantismes divers et avariés, on ne saurait trop conseiller la lecture de ces revues qui prennent une nouvelle jeunesse, tout en s’ancrant dans une ancienne tradition. Il n’est d’ailleurs pas interdit d’aller en chercher chez les bouquinistes d’anciens exemplaires…

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