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CRITICA ▲

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Quinzinzinzili », n° 43 : les Messac

Jean-Pierre Bacot

Comme l’explique Jean-Luc Buard dans l’éditorial de ce nouveau numéro, juste après la correspondance où est évoquée la mémoire d’un écrivain de science fiction, Marcel Béalu, ce n’est pas parce que les temps sont chamboulés qu’il faut se laisser abattre. En effet, il semble qu’il y ait encore beaucoup à attendre de l’analyse des rapport entre Régis Messac et nos contemporains entre les années 1930 et aujourd’hui.

La 43ème livraison de cette revue dont nous rendons régulièrement compte commence par un papier d’Anne Gabriel sur le 80ème anniversaire de l’entrevue qui eut lieu entre André Breton et Léon Trotski, peu avant l’assassinat de ce dernier par un sbire de Staline. En sortit un texte écrit en commun Pour un art révolutionnaire indépendant. Très en verve, la même auteure nous propose dans la foulée une charge contre les ciments Lafarge accusés de pollution active actuelle et sur laquelle la revue revient plus avant quant à son histoire peu reluisante. Suit une autre critique contre celles et ceux qui refusent de prendre en considération la fin politiquement peu  glorieuse du philosophe Alain.

En bref, nous sommes plongés dès l’entrée de ce numéro dans un aller-retour entre avant-hier et aujourd’hui qui fait le charme de cette revue. Cela se poursuit avec une mise au « panthéon des amis » par Guibert Lejeune de l’un des animateurs de l’École émancipée, l’instituteur Gilbert Serret (1902-1943). On goûtera particulièrement aujourd’hui cette phrase écrite au moment du Front populaire et mise en exergue par l’auteur : « La vérité est que les hommes de gauche s’apprêtent à faire, un fois de plus, la politique condamnée par leurs électeurs (…) à la trahison des chefs, à la veulerie des masses, nous pouvons opposer, non sans quelque fierté, la dignité et l’honnêteté des instituteurs ». Gilbert Serret fut auteur d’un livre : Le problème agraire et paysan devant le corps enseignant. Serret fut liquidé en 1943, probablement par la milice, mais après avoir été vilipendé par les communistes staliniens, adversaires résolus de l’École émancipée, dans la mesure où ils ne supportaient pas la dimension libertaire des théories et pratiques pédagogiques qu’elle recouvrait.

Suit le commentaire  d’un texte de Gilbert Serret par Régis Messac. Il s’agit d’une monographie consacrée aux « Chaux et ciments Lafarge », parue en 1938 dans la revue L’Émancipation. L’industriel, très proche de l’église catholique, employait les méthodes les plus dures, vis-à-vis de ses employés, comme de ses concurrents en construisant une sorte de monopole qui fut mis sous séquestre à la Libération, ce qui ne les empêcha pas de prospérer ensuite, comme la régie Renault .

Vance nous  rappelle ensuite ce que furent à la fois le contenu et la réception du roman La cité des Asphyxiés, publié par Régis Messac en 1937. Il suscita peu d’intérêt sur le moment, au contraire de ce qui fut écrit sur lui il y a quelques années, lors de sa republication.

Quant aux questions  cruciales du latin et du subjonctif, Olivier Messac nous offre là aussi un aller-retour entre ce qu’écrivit son grand-père : À bas le latin ! et ce qui se débat encore aujourd’hui quant à l’intérêt des études classiques et de ce qu’on appelait les humanités.

On lira encore, dans ce numéro où on ne s’ennuie pas, deux textes de Noëlle Renard, le premier sur la correspondance entre Panaït Istrati et Romain Rolland pendant le période 1919-1935, le second sur Eugène Chavette (Vachette de son vrai nom), continuateur d’Edgar Poe et Émile Gaboriau, auteur en particulier de La Chambre du crime, qu’avait lu en son temps Régis Messac et dont une édition revue et corrigée vient d’être publiée par Jean-Luc Buard. Celui-ci propose, comme à son habitude, un bel appareil critique. Le roman était paru en feuilleton dans L’Événement en 1874.

Jean-Luc Buard insiste sur la nécessité de remettre en scène des romans de genre parfois passés inaperçus et ce dans des domaines comme le roman scientifique, l’intelligence artificielle ou l’utopie philosophique. Il nous propose dans ces registres de lire La Cité des automates de Leo Massieu, Solénopédie  de Comte  Dalpis et le Cerveau électrique d’Alex Pasquier que Denis Taurel, Marc Renneville et Frédéric Vinclair ont respectivement republiés dans la démarche buardienne.

In fine, Patrick Ramseyer et Jean-Paul Morel reviennent sur l'histoire des éditions Émile-Paul frères qui ont sauvé depuis 1882 et pendant près d’un siècle nombre de titres oubliés dont nos auteurs établissent le précieux catalogue.

En quatrième de couverture, on trouvera l’annonce d’un autre réédition, celle du Dédicrasse  de Léo Malet, ami de Ralph Messac, journaliste et avocat, fils de Régis et père d’Olivier, lequel Ralph assura à la sortie du livre une présentation, tandis que Michel Besnier propose aujourd’hui une préface. L’ouvrage est vendu pour 25 euros aux éditions Ex nihilo. On y repèrera une dédicace intéressante : « Mon vieux Ralph, les historiens futurs, lorsqu’ils feuilleront ta bibliothèque, s’apercevront que chaque fois ou presque que je t’ai envoyé un bouquin, il était assorti d’une inquiétude pour l’avenir, amicalement. »

En résumé, ce nouveau numéro de Quinzinzinzili tient des promesses et solidifie l’un des ponts que des collapsologues (nous n’en sommes pas) diraient établis entre l’ancienne et la nouvelle catastrophe.

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