Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
5 Mars 2021
Julien Vercel
Ces savoureuses chroniques (éditions Verticales, 2019) comportent deux parties de tailles inégales. La première - la principale - est composée de paragraphes numérotés de 1 à 189 (avec de temps en temps des « bis ») et raconte le quotidien du narrateur, pompiste dans une station-service à Pantin au bord du périphérique. La seconde, déclinée de A à I, suit le narrateur dans sa route pour rejoindre son père dans les Landes puisque « la station-service signe le début de l’aventure, des possibles, lance le début de l’histoire ».
L’unité de lieu de la première partie est donc la station-service dont « la raison même de son existence, outre d’exploser, son destin, pareil à celui d’une banque, c’est d’être braquée. (Son destin cinématographique.) Je ne vis pas dans cette terreur, ce n’est pas une angoisse, mais plutôt une attente curieuse ». C’est là qu’il passe son temps à regarder des films sur la télévision accrochée au mur ou jouer aux dames avec son ami Nietzland. Il est entre routine et ennui : « Cinéma-bis, littérature et contemplation sont, quand je travaille, mes tue-temps favoris ». Il observe les clients, fait des rencontres, entame une relation avec Seiza, une japonaise, couche avec la sœur de Nietzland après une soirée trop arrosée et organise une exposition sauvage de photographies pour sa sœur... comme au cinéma, la station-service est alors « le carrefour d’une marge qu’elle encense, le carrefour d’un monde interlope en cavale ».
Le narrateur fait un récit à la fois lucide et rempli d’ironie. Lucide, car il sait qu’il occupe une place où il peut voir sans forcément être vu : « rares sont les clients qui me voient ou me parlent. Je suis transparent pour la plupart des gens. Certains se demandent sans doute pourquoi j’existe encore, pourquoi je n’ai pas été remplacé par un automate ». D’ailleurs, il se qualifie lui-même de « dernier dinosaure du monde carbone ». Mais également ironique quand, lors du vernissage de l’exposition de sa sœur, des invités, pensant que son job est forcément alimentaire, lui demandent quelles études il fait, il leur répond : « Oui, bien sûr... un job alimentaire... je fais des études de droit canin ».