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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Lectures semi-confinées / « Une vie à chercher, entretien avec Michel Bornens » de Frédéric Tournier

Julien Vercel

Par ce bel hommage à Michel Bornens (L’Harmattan, 2020), Frédéric Tournier nous plonge dans plusieurs intimités.

Tous les lecteurs sont les témoins de la première intimité, celle entre deux scientifiques, celle d’une relation qui s’est tissée entre le chercheur et son stagiaire, devenu par la suite thésard et collègue. Frédéric Tournier fut, en effet, stagiaire auprès de Michel Bornens lors de son diplôme d’études approfondies (DEA) puis doctorant dans son laboratoire et enfin attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à l’université Paris VII. Comme le résume l’auteur dans l’avant-propos : « j’ai donc passé sept ans aux côtés de Michel et je lui dois tout ou presque ».

Il faut être un lecteur scientifique pour entrer dans la deuxième intimité, celle de la recherche en biologie cellulaire. Les pages consacrées à ces travaux au cœur de la cellule, le « centrosome », thème des recherches de Michel Bornens, sont plutôt réservées aux spécialistes de la question.

Enfin, il faut être un lecteur-chercheur scientifique pour saisir la dernière intimité, celle de la communauté des chercheurs cités, une multitude de noms qui, je dois l’avouer, conservent encore leur mystère. Le seul nom cité qui m’est connu est celui de Jacques Crozemarie, pas par ses recherches, mais par sa condamnation pour abus de confiance et abus de biens sociaux lorsqu’il présidait l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC). À ce titre, Michel Bornens en dresse un portrait décapant : « C’était une incarnation caricaturale, cynique, de l’adage inscrit au mur de la salle de garde des internes de l’hôpital Gustave-Roussy : ʺIl y a plus de gens qui vivent du cancer qu’il n’en meurtʺ ».

Les entretiens permettent de suivre Michel Bornens dans sa carrière, depuis 1963 et son entrée dans la recherche. Il n’oublie pas de mentionner les influences et changements de chaque époque : « Je me souviens que tous les matins, je mettais encore une cravate pour aller travailler et c’est en mai 68 que je l’ai enlevée définitivement » ou encore, quand il revient de deux années passées aux États-Unis... avec les cheveux longs et une barbe.

Après ses propos sur ses recherches, c’est sans doute dans ce qu'il dit du métier de chercheur qu’il se révèle le plus passionné : « quelle est la gratification de ce métier ? Et bien, c’est la curiosité. Je pense qu’on ne vit que lorsqu’on apprend » ; « choisir ce métier, c’est contrecarrer une angoisse ; celle de toujours faire la même chose toute ma vie, jusqu’à ma retraite, une angoisse totale » et « être payé, même pas énormément, avoir tous les mois un salaire alors que tu as passé tout ton temps à te poser des questions que tu as décidé de te poser, c’est un luxe ».

Enfin, sur la politique de la recherche, Michel Bornens pointe les faiblesses de notre système : « la recherche est une danseuse », car, en France, « il n’y a pas cette constante qu’ont les Anglo-Saxons, le respect de la connaissance » et « c’est toujours la haute administration qui décide » dans ce « pays de notaires et d’administrateurs ». Défendant la science, il regrette que la France soit « un pays du livre, et même s’il y a eu et s’il y a encore des grands scientifiques, le poids de la science est toujours mis en tutelle »... Propos pourtant recueillis dans un livre.

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