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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Second tour et troisième voie : en attendant 2022 (2ème partie) - Et si font, siphon, les petites marionnettes ?

 

L’affiche du second tour de l’élection présidentielle de 2022 serait déjà arrêtée : Marine Le Pen affronterait Emmanuel Macron. Mais comme, d’une part, les Françaises et les Français aiment déjouer les doctes affirmations pré-électorales et comme, d’autre part, les cycles politiques s’accélèrent avec les incertitudes encore renforcées de la crise du coronavirus depuis un an, Critica Masonica propose d’engager un exercice de politique-prospective-fiction pour imaginer des candidates et des candidats qui échapperaient au match retour de 2017. À vos plumes...

 

2/ Et si font, siphon, les petites marionnettes ?

Julien Vercel

À droite et à l’extrême-droite, en ce moment, c’est la course à la fusion des électorats, chacun tentant de siphonner les voix de l’autre.
Marine Le Pen continue le siphonnage des voix des Républicains - celles qui ne se sont pas encore ralliées tacitement ou ouvertement à Emmanuel Macron. Le siphonnage avait commencé lors d’élections locales quand, par exemple à Paris, on constatait que le Front national ne progressait que dans les arrondissement de l’Ouest traditionnellement à droite, puis il s’est étendu, encouragé par la légitimation de quelques leaders : Nicolas Sarkozy ouvrant un débat sur l’identité nationale en 2009, jusqu’à François Fillon finissant sa campagne de 2017 avec les bataillons de Sens commun. Des recalés des investitures de droite n’hésitent désormais plus à frapper à la porte de l’extrême-droite. Reste à Marine Le Pen à se dédiaboliser économiquement, c’est ce qu’elle tente dans une tribune récente où elle explique qu’« une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. À partir du moment où un État souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées » (1).
Xavier Bertrand désormais candidat déclaré, a adopté la même stratégie de fusion des électorats, mais en essayant de rejouer le siphonnage de 2007 quand Nicolas Sarkozy avait réussi à capter des voix du Front national. L’élu des Hauts-de-France reprend ainsi les thèmes du « travailler plus pour gagner plus » (2), la restauration de l’autorité de l’État et la sécurité (3).
Les deux chassent sur les mêmes terres, dans le même espace. Marine Le Pen se recentre, se banalise et risque ainsi d’apparaître juste comme une candidate incompétente aux yeux de ses électeurs radicaux. Xavier Bertrand droitise son discours, exhibe ses prétentions présidentielles et risque ainsi de démobiliser son électorat régional où une victoire lui est pourtant indispensable pour espérer continuer son chemin vers le Château. Ils laissent ainsi se créer un espace à la droite de leur droite qui pourrait donner lieu à un troisième siphonnage : celui de Marion Maréchal-Le Pen.
Imaginons donc que Marine soit victime d’un (petit) « remplacement » par Marion. Facile, Marine a déjà annoncé qu’elle envisage de quitter la présidence du Rassemblement national après le congrès qui doit la désigner comme candidate pour l’élection présidentielle (4). Elle laisserait donc un parti où tous ceux qui n’ont pas digéré les distances prises avec le patriarche Jean-Marie et la période de « dédiabolisation » politique, pourraient agir plus librement ?

Surtout Marion, qui ne veut plus qu’on l’appelle « Le Pen », pourrait fédérer autour d’elle les partisans d’une idéologie réactionnaire sur les questions de société, libérale sur les questions économiques à l’intérieur des frontières et nationaliste dans tous les rapports avec le monde extérieur.

Cette « sphère » qui n’est pas seulement « facho », mais aussi réac, « catho », paganiste, antisémite, anti-arabe, etc dispose même depuis le XIXe siècle d’une marge dotée d’un « subculture », c’est-à-dire une culture minoritaire ayant le désir de subversion des valeurs établies. C’est la contre-culture identitaire, raciste ou fascisante (5), décrite par Philippe Vardon dans Éléments pour une contre-culture identitaire (IDées, 2011). Et la faiblesse de ses effectifs est compensée par une organisation lui conférant une visibilité disproportionnée.

Les éléments de la « sphère » à fédérer sont nombreux : le parti Souveraineté, identité et libertés fondé par Paul-Marie Coûteaux ; le maire de Béziers Robert Ménard ; le Mouvement pour la France fondé par Philippe de Villiers ; le réseau L’Avant-Garde de Charles Millon et Charles Beigbeder ; le Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson ; la Ligue du Sud fondée par Jacques Bompard ; les restes du Printemps français de Béatrice Bourges qui trouvait que La Manif pour tous est trop modérée, Civitas présidé par Alain Escada et tous les activistes du Groupe union défense (GUD), de Bastion social, du Renouveau français fondé par Thibaut de Chassey ou encore des Identitaires... Longtemps vouée à l’anecdote, à la provocation politique ou aux coups d’éclat, la « sphère » pourrait profiter d’un contexte beaucoup plus favorable en 2022.

D’abord parce que le précédent de Donald Trump en 2016 prouve qu’une élection peut être remportée sans se recentrer, avec beaucoup de mensonges et une mobilisation constante des réseaux sociaux. Cela donne des idées. Ensuite parce qu’Emmanuel Macron préfère l’extrême-droite comme seule adversaire. Il veut son match retour, sans s’embarrasser de la vieille droite comme de la vieille gauche... sauf si ce match retour se joue avec Marion et plus avec Marine. Enfin, parce qu’au-delà de Valeurs actuelles et Causeur , la « sphère » dispose désormais de puissants relais médiatiques avec Vincent Bolloré, CNews, Pascal Praud et Éric Zemmour.

Si, en plus, par lassitude d’avoir à arbitrer les duels entre la droite et l’extrême-droite, les électeurs de gauche décidaient que, finalement, tout cela ne les concerne plus...

 

________________

1. L’Opinion, 21 Février 2021.

2. Europe 1, 31 mars 2021.

3. Le Point, n°2536, 25 mars 2021.

4. L’Incorrect, n°41, avril 2021.

5. Stéphane François, « Comment l’extrême droite radicale se recompose en France », theconversation.com, 28 mars 2018.

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D
Si tous les maçonnes et maçons pouvaient se poser ces questions, on pourrait espérer que leurs structures servent à quelque chose...<br /> Merci en tout cas de tous ces textes de vigilance, celui-ci et d’autres.
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P
Cela fait un peu froid dans le dos ces perspectives mais merci de rappeler que jouer les autruches est une garantie pour qu'elles adviennent!
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