Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
L’affiche du second tour de l’élection présidentielle de 2022 serait déjà arrêtée : Marine Le Pen affronterait Emmanuel Macron. Mais comme, d’une part, les Françaises et les Français aiment déjouer les doctes affirmations pré-électorales et comme, d’autre part, les cycles politiques s’accélèrent avec les incertitudes encore renforcées de la crise du coronavirus depuis un an, Critica Masonica propose d’engager un exercice de politique-prospective-fiction pour imaginer des candidates et des candidats qui échapperaient au match retour de 2017. À vos plumes...
2/ Et si font, siphon, les petites marionnettes ?
Julien Vercel
Surtout Marion, qui ne veut plus qu’on l’appelle « Le Pen », pourrait fédérer autour d’elle les partisans d’une idéologie réactionnaire sur les questions de société, libérale sur les questions économiques à l’intérieur des frontières et nationaliste dans tous les rapports avec le monde extérieur.
Cette « sphère » qui n’est pas seulement « facho », mais aussi réac, « catho », paganiste, antisémite, anti-arabe, etc dispose même depuis le XIXe siècle d’une marge dotée d’un « subculture », c’est-à-dire une culture minoritaire ayant le désir de subversion des valeurs établies. C’est la contre-culture identitaire, raciste ou fascisante (5), décrite par Philippe Vardon dans Éléments pour une contre-culture identitaire (IDées, 2011). Et la faiblesse de ses effectifs est compensée par une organisation lui conférant une visibilité disproportionnée.
Les éléments de la « sphère » à fédérer sont nombreux : le parti Souveraineté, identité et libertés fondé par Paul-Marie Coûteaux ; le maire de Béziers Robert Ménard ; le Mouvement pour la France fondé par Philippe de Villiers ; le réseau L’Avant-Garde de Charles Millon et Charles Beigbeder ; le Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson ; la Ligue du Sud fondée par Jacques Bompard ; les restes du Printemps français de Béatrice Bourges qui trouvait que La Manif pour tous est trop modérée, Civitas présidé par Alain Escada et tous les activistes du Groupe union défense (GUD), de Bastion social, du Renouveau français fondé par Thibaut de Chassey ou encore des Identitaires... Longtemps vouée à l’anecdote, à la provocation politique ou aux coups d’éclat, la « sphère » pourrait profiter d’un contexte beaucoup plus favorable en 2022.
D’abord parce que le précédent de Donald Trump en 2016 prouve qu’une élection peut être remportée sans se recentrer, avec beaucoup de mensonges et une mobilisation constante des réseaux sociaux. Cela donne des idées. Ensuite parce qu’Emmanuel Macron préfère l’extrême-droite comme seule adversaire. Il veut son match retour, sans s’embarrasser de la vieille droite comme de la vieille gauche... sauf si ce match retour se joue avec Marion et plus avec Marine. Enfin, parce qu’au-delà de Valeurs actuelles et Causeur , la « sphère » dispose désormais de puissants relais médiatiques avec Vincent Bolloré, CNews, Pascal Praud et Éric Zemmour.
Si, en plus, par lassitude d’avoir à arbitrer les duels entre la droite et l’extrême-droite, les électeurs de gauche décidaient que, finalement, tout cela ne les concerne plus...
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1. L’Opinion, 21 Février 2021.
2. Europe 1, 31 mars 2021.
3. Le Point, n°2536, 25 mars 2021.
4. L’Incorrect, n°41, avril 2021.
5. Stéphane François, « Comment l’extrême droite radicale se recompose en France », theconversation.com, 28 mars 2018.