Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
L’affiche du second tour de l’élection présidentielle de 2022 serait déjà arrêtée : Marine Le Pen affronterait Emmanuel Macron. Mais comme, d’une part, les Françaises et les Français aiment déjouer les doctes affirmations pré-électorales et comme, d’autre part, les cycles politiques s’accélèrent avec les incertitudes encore renforcées de la crise du coronavirus depuis un an, Critica Masonica propose d’engager un exercice de politique-prospective-fiction pour imaginer des candidates et des candidats qui échapperaient au match retour de 2017. À vos plumes...
3/ Les drôles de dames enfin sans Charlie ?
Julien Vercel
Le 28 avril 2021, Jean-Luc Mélenchon s’est moqué de la réunion des représentants de la gauche (1) qu’il a qualifiée de « comédie pour tous ceux qui vont encore sauter en rond pendant plusieurs mois en criant :ʺUnion, union, unionʺ ». Pour lui, ce sera donc tous ensemble, mais derrière lui. Le 9 mai 2021, François Hollande a déclaré : « La gauche ne peut pas gagner sans une candidature socialiste forte ». Pour lui, ce sera donc tous derrière un socialiste et, si possible, derrière lui. Quant aux écologistes, ils partagent le même syndrome auto-désignatoire en se préoccupant uniquement de trouver le meilleur candidat... écologiste. Pour eux, ce ne sera donc qu’entre eux et derrière eux. Bref cette gauche-là joue son élimination dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Il serait temps que tous ces « Charlie » aussi archaïques qu’inefficaces passent la main. Charlie Townsend était le patron de l’agence de détectives employant les trois Drôles de dames dans le feuilleton du même nom (Charlie’s Angels d’Ivan Goff et Ben Roberts, 1976-1981) et il ne faisait rien ou si peu...
Martine Aubry a choisi une autre posture. Le 1er mai, elle a salué la liste d’union de la gauche et des écologistes derrière Karima Delli pour les élections régionales dans les Hauts-de-France : « ça fait plaisir quand la gauche est réunie ». Elle a aussi montré la voie pour une déclinaison nationale en 2022 : « l’union nationale sera possible le jour où ces messieurs ne se regarderont pas le nombril et regarderont les gens qui ont besoin d’eux ». Chiche ! Alors, sortons tous les Charlie de gauche et place aux dames !
La maire de Lille pourrait ainsi prendre l’initiative d’un rassemblement à gauche, mais pas à la façon d’un de ces Charlie, mais à la façon de John Bosley (David Doyle) dans le feuilleton Drôles de dames : avec le seul souci d’assurer l’intendance et de faciliter les choses. Elle réunirait Aurélie Filippetti, Najat Vallaud-Belkacem et Clémentine Autain, mais en les prévenant : il s’agit d’abord d’élaborer un projet de gouvernement, pas de jouer des coudes pour être la première au Château. Le trio tirerait honnêtement les conséquences de leurs échecs (prévisibles) aux élections régionales et aussi des espoirs qu’elles ont pu susciter et des pistes qu’elles ont pu explorer pour rassembler leur camp. N’est-ce pas Aurélie Filippetti qui a co-lancé, le 9 décembre 2020, « l’appel à un rassemblement inédit pour notre région et son avenir à gauche !» (2) ?
Ces trois femmes ont fait l’expérience des responsabilités en collectivités locales, au gouvernement ou dans la majorité parlementaire, elles ont aussi fait l’expérience des coalitions, de la nécessité d’accords clairs qu’il faut passer entre alliés pour éviter les divisions. Elles ont subi ce qu’annonçait Martine Aubry en 2011 : « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup » (4). Elles ont donc connu ces couleuvres qu’elles ne veulent plus avaler et elles ont défendu vigoureusement leurs idées. Aurélie Filippetti fut notamment ministre avec un président cynique vis-à-vis de la culture (3) et préféra devenir « frondeuse » plutôt que de voir trahir ses engagements. Clémentine Autain fut notamment maire-adjointe à la Jeunesse lors du premier mandat de Bertrand Delanoë à Paris et préféra quitter la Capitale quand la majorité sembla se rapprocher du centre-droit. Najat Vallaud-Belkacem fut notamment ministre et sut passer de la « langue de bois » quand elle était porte-parole du gouvernement à une musique personnelle quand elle était ministre des droits des femmes ou de l’éducation nationale.
Le trio devra rassembler les forces éparpillées de gauche sur un programme et convaincre les Françaises et les Français que l’identité collective est bien plus importante que l’identité particulière et qu’il est possible de se passer des Charlie. Puis il faudra se mettre en ordre de bataille pour organiser les trois candidatures : présidente de la République, première ministre et présidente du groupe parlementaire... Tout ça en un an ! C’est court.
Si, en plus, les diviseurs de la gauche - François Hollande en tête - font comme si de rien n’était et continuent à célébrer François Mitterrand dont toute la stratégie de victoire consistait pourtant à unir son camp, il faudra peut-être attendre 2022 pour que cette gauche des Charlie dise enfin son dernier mot.
________________
1. Cette réunion a eu lieu le 17 avril 2021.
2. Il s’agit de la région Grand Est.
3. Aurélie Filippetti a subi deux années de baisse de crédits de son ministère. Dans le documentaire À l'Élysée, un temps de président (d’Yves Jeuland, 28 septembre 2015, France 3), François Hollande et Manuel Valls conseillent la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin : « Va au spectacle ! Tous les soirs, tu vas voir ça, tu dis que c'est bien, que c'est beau ».
/image%2F1213701%2F20210515%2Fob_affd73_whatsapp-image-2021-05-15-at-11-50-28.jpeg)
