Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
Cet ouvrage collectif, publié en 2021par l’Agence de diffusion et d’information rurales (ADIR, 108p.), est la compilation de « La guerre des mots », une rubrique diffusée depuis 2015 dans le bimestriel associatif et participatif Transrural initiatives (TRI). « La guerre des mots » a pour objectif de revenir sur le sens des termes afin de mesurer combien ils servent un modèle de développement économique dominant, et comment certains ont un pouvoir performatif et parviennent à façonner la réalité. Dans son avant-propos, Hélène Bustos qui fut journaliste à TRI de 2009 à 2019 avant de reprendre la Librairie-Tartinerie de Sarrant (Gers) résume la démarche : « Ne jouons pas sur les mots, mais résistons et inventons avec ! » (p7).
Petit florilège savoureux...
Côté détricotage, Jean-Claude Balbot rappelle à l’entrée « GOUVERNANCE » que « l’acteur de la gouvernance détient, non des droits, mais des intérêts. Par là, la gouvernance ne vise pas la construction de solidarités sociales » et résume : « Dit-on ʺsaillirʺ pour faire l’amour ? Gouvernance, c’est le vocabulaire de l’actionnaire, du banquier, du spéculateur, comme saillir est le vocabulaire de l’étalonnier » (p12). Perrine Tavernier et Miléna Francioli expliquent que le terme « EXPLOITATION », en agriculture, marque « le passage d’une agriculture qui valorise, à une agriculture qui exploite, réduisant progressivement l’activité à la seule rationalité économique » (p15). À l’entrée « PROJET », Anne Carton constate que « le projet est devenu plus important que sa finalité » (p30) et à « INNOVATION », Jean-Baptiste Jobard note que le concept est employé comme une fin en soi : « Il ne s’agit plus de savoir ce que vous voulez faire, en partant de l’observation de votre réalité locale et du vécu de votre association, mais de justifier que, quoi que vous fassiez, cela aura bien les apparats du neuf » (p32). Pierrick Monnet dénonce l’utilisation de « PARTENAIRE » qui n’est qu’une « tactique de camouflage d’un conflit majeur dans notre économie capitaliste : qui se répartit la thune à la fin de l’année ? » (p89).
Jean-Marc Bureau explique que le succès du « TERRITOIRE, mitonné à toutes les sauces », vient du fait qu’il ne s’agit pas seulement d’un terme géographique, mais qu’« il y a de l’émotionnel, voire de l’irrationnel » (p47). Jean-Marie Perrinel retourne la connotation péjorative de « CONFINS » en rappelant qu’être aux confins, c’est « s’approcher des limites... d’un autre lieu. Habiter aux confins, c’est donc être proches voisins » (p85).
À l’entrée « RADICAL », Goulven Le Bahers rejette les « radicalisés » vers les « extrémistes » ou les « intégristes » et réhabilite le terme ! Être radical, c’est « être lucide sur les fondements de nos aliénations quotidiennes » (p61). Autre rejet, à l’entrée « CRISE », Philippe Merlant et Franck Lepage rappellent que la crise est ce moment où l’avenir se dessine, où des choix sont à faire, or aujourd’hui, « le terme est usé, abusé, utilisé jusqu’à plus soif pour nous convaincre qu’une seule politique est possible ! » (p65). Isabelle Barnier regrette le discrédit jeté sur « ALTERNATIF » depuis qu’il sert à qualifier les « faits alternatifs » trumpistes (p72) et Thierry Lemaître rappelle que l’« AUTONOMIE » ne signifie pas toujours « l’enfermement des esprits sous des bonnets rouges », mais peut, au contraire, désigner « une trajectoire non écrite a priori, une orientation forte assurant la recherche d’authenticité et la vitalité d’un système à la fois protecteur et ouvert, créant les contacts réels entre des entités particulières » (p75).
Certaines entrées sont directement liées à l’épidémie de Covid-19 : « GUERRE » ; « DISTANCIATION » ou au vocabulaire macronien comme « CARABISTOUILLE ». Mais il y a plein d’autres entrées à découvrir : « ÉCOSYSTÈME » ; « CASSOS » ; « OUTILS » ; « RÉPUBLIQUE » ; « POUVOIR D’ACHAT » ; etc... L’ouvrage est disponible sur le site de TRI.