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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« La servitude électrique. Du rêve de liberté à la prison numérique » de Gérard Dubey et Alain Gras

Jean-Pierre Bacot

On ne sort pas indemne de cet ouvrage où l’on apprend d’entrée que l’électricité qui nous semble aujourd’hui relever d’une sorte d’évidence, peut pourtant être mise en cause dans son développement permanent. Il existe en effet un problème du fait que la lumière, la force, l’information, et ce depuis l’invention de la pile, ont construit une civilisation du manque dans laquelle nous sommes désormais plongés, ce qui n’est pas sans conséquences.

Choisir le terme de « servitude » vient s’opposer au fait que l’électricité fut longtemps considérée comme un vecteur de libération, voire de rêve : la « fée électricité ». En 1937 il fut ainsi commandé à Raoul Dufy une série de tableaux qui prirent ce titre pour l’exposition universelle de Paris, afin de « mettre en valeur le rôle de l'électricité dans la vie nationale et dégager notamment le rôle social de premier plan joué par la lumière électrique ».

Le sérieux du propos des auteurs n’est pas apocalyptique, mais froidement réaliste. Quant à la notion de manque, qui ravira les derniers freudiens, elle se traduit par le fait que le tout-électrique et sa nouvelle modalité, le tout-numérique, ne sauveront pas la planète. Les dégâts et les déchets ne vont en fait qu’augmenter et leur retraitement se payera à un prix de plus en plus lourd. Certes, nous savons tout cela, mais pas avec une force suffisante. Il  nous reste en effet une sorte de croyance en une toute-puissance immanente de l’énergie qui résiste aux arguments rationnels.

Les auteurs procèdent à une histoire de cette réalité électrique dans tous ses états, d’André-Marie Ampère à Bill Gates. Ils montrent comment l’électricité, parallèlement aux progrès techniques, a été construite comme un mythe qu’il est urgent de déconstruire pour casser sa toute-puissance. L’ensemble des modalités est envisagé, depuis l’éolien jusqu’au nucléaire, en passant par le charbon, le thermique,  le gaz, le pétrole ou l’énergie produite par l’eau de mer ou de rivière. Et aucune de ces sources n’est sans inconvénient... souvent majeur.

Comment en sortir ? Des pistes sont proposées par Gérard Dubey et Alain Gras : il va falloir penser à renoncer à aller toujours plus loin et plus vite, dans une manière de décroissance et de ralentissement. Sinon,  nous aurons droit,sans aucun doute au chaos climatique et social, bien au-delà de ce dont on commence seulement à mesurer les risques majeurs. La croissance verte, parfois proposée, est une douce illusion, elle relève d’une colorisation euphémisante.

Ce livre est publié dans une collection précieuse, « Anthropocène », du Seuil, où l’on trouve non point des lanceurs d’alerte, mais des démonstrateurs, des scientifiques.

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