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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

La politique culturelle est-elle en panne ? - L’exception culturelle est morte... dans le secteur public (3ème épisode)

Marc Gauchée

            « On entre dans une période où on doit en quelque sorte enfourcher le tigre, et donc le domestiquer » disait Emmanuel MACRON, président de la République, le 6 mai 2020, lors d’une visioconférence avec des représentants du monde culturel. Un an plus tard, le 23 septembre 2021, JUL, dessinateur, n’a pas réussi à trouver « le tigre » et répond dans L’Obs : « La culture comme l’écologie et tout le reste, n’est soutenue par aucune vision. Il n’y a que des process, des manières de faire les choses, sans aucune ligne directrice. Sa politique est comme un vaisseau conduit par des zombies qui ne savent pas où ils vont ». Cette série d’articles propose d’aller à la recherche de ce qu’il reste de la politique culturelle en temps de Covid 19. Le premier épisode est disponible ici, le deuxième ici.

3ème épisode/ L’exception culturelle est morte... dans le secteur public

Le 17 décembre 2001, Jean-Marie MESSIER, alors patron de Vivendi, avait déclaré : « L'exception culturelle française est morte » lors d'une conférence de presse à l’occasion du rachat d'USA Networks. « L’exception culturelle » des négociations internationales de 1993, lors de l’Uruguay Round de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) est le droit défendu au niveau international - et qui fait consensus en France - pour chaque nation à demeurer elle-même. Ces propos avaient soulevé un tollé. En traitant les secteurs culturels public et privé de la même façon, Roselyne BACHELOT a montré son incompréhension fondamentale du rôle du secteur public, malgré quelques déclarations placebo.

La ministre avait pourtant déclaré le 10 février 2021 : « Les grands opérateurs culturels sont des têtes de pont. Les maintenir à flot est indispensable » (1). Mais il s’agit de quelle « tête de pont », quand les « grands opérateurs » audiovisuels se sont contentés de programmer les sempiternels et multidiffusés films français de Louis DE FUNÈS ? Et quelle est la valeur de cette « tête de pont » qui encaisse les subventions, obéit au confinement et paye ses salariés pour rester chez eux, car le dispositif de chômage partiel ne s'applique ni aux agents contractuels de droit public, ni aux salariés de droit privé de certains établissements culturels « à caractère industriel et commercial » [EPIC] dans la mesure où les recettes de ces EPIC constituent moins de la moitié de leurs ressources (2).

Pour Fleur PELLERIN, alors ministre de la Culture, il était déjà clair en 2015, que le « pont » manquait à cette « tête de pont : « La vérité, c’est que mes prédécesseurs ont mené pendant vingt ans une politique de création de grands établissements culturels, majoritairement en Ile-de-France. C’est très bien. Seulement aujourd’hui, le budget du ministère est avant tout mis à contribution pour les entretenir. Résultat : une grosse partie des efforts financiers va à des institutions faites pour des CSP+. On se rend compte qu’il n’y a plus d’argent sur les territoires, il n’y a plus de MJC, on a asséché les associations qui faisaient la vie culturelle dans les quartiers, qui étaient pourtant d’extraordinaires capteurs capillaires de ce qui s’y passait » (3).

Le secteur public culturel était pourtant le seul, pendant les confinements, à pouvoir s’affranchir provisoirement de l’obligation de jauge complète - qui n’a pas connu, en temps « normal », ces salles de spectacles à moitié pleines, voire moins ? - et donc à pouvoir imaginer des formes réduites de programmation devant un public protégé, des propositions de solidarités avec les opérateurs privés, des liens avec les publics qui ne soient pas seulement électroniques ? C’est cette exception culturelle du secteur public qui est morte pendant la crise du Covid-19. Pendant que les « grands opérateurs » ont été sauvés, les publics ont été laissés aux bons soins des industries culturelles du numérique accélérant des tendances déjà à l’œuvre depuis plusieurs années.

À suivre...

____________________

1. Citée dans « L’urgence des arts », Télérama, n°3709, 10 février 2021. 

2. Ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020.

3. Entretien dans Le Monde, 1er décembre 2015.

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