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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

La Raison d’hiver - 666ème numéro

Jean-Pierre Bacot

666, le chiffre de la bête, nul n’en ignore. Pour la revue La Raison, ainsi numérotée pour son numéro de novembre-décembre 2021, on nous permettra ce petit clin d’œil, cela craint la contagion. Avis aux ésotéristes qui maçonnisent au Rite Écossais où au Régime Écossais Rectifié, nouveau clin d’œil, ils en savent plus que nous en ce registre...

De ce numéro, on retiendra surtout des dossiers très intéressants. L’un est signé Jean-Marc Schiappa et est consacré à l’une des grandes stars du polar, Dashiell Hammett (1894-1961) qui fut également un moraliste. Son œuvre, lancée en français par la célèbre Série Noire, a connu et connaît encore un succès énorme et a aussi fourni quelques mémorables adaptations au cinéma, comme le Faucon maltais de John Huston, en 1941, sans oublier l’hommage intitulé Hammett, de Wim Wenders et sorti en 1982. Chez Dashiell Hammett, c’est la création d’une ambiance qui prime surtout, y compris parfois sur la construction de l’intrigue, préoccupation que l’on retrouvera chez Raymond Chandler, Dick Cheyney et, plus tard, Jean-Patrick Manchette.

Autre article, signé Benoit Schneckenburger, qui porte sur Friedrich Nietzsche (1844-1900) et « les paradoxes d’un philosophe maudit ». La trahison dont ce génie fut l’objet par les nazis n’a pas fini de porter une ombre. Le fait qu’il ait fini sa vie interné aura, involontairement, construit une légende maudite. Le nihilisme de Nietzsche est en fait totalement habité, et si la notion de pur esprit est fortement niée, une morale de l’action reste possible et même nécessaire, à condition de laisser la primauté au corps, fût-il souffrant, nous rappelle-t-on. L’auteur de l’article nous donne envie de relire Le Gai savoir, mais aussi ce que Gilles Deleuze écrivit sur le philosophe.

Pour les amateurs du croisement de la musique et de la politique, on notera l’anthologie de la chanson anticléricale italienne que nous propose Monica Jorne. Un exemple parmi bien d’autres de cette production de la fin du XIXème siècle et du début du XXème : «  À mon enterrement » (1908). Et quand je serai mort, je ne veux pas de curé/d’Ave Maria ni de Notre Père, mais le drapeau rouge des socialistes/et tourne, tourne, tourne/la ritournelle avec adresse/et cive les socialistes, à bas les Jésuites… Signalons pour les passionnés qu’il existe un ouvrage de partitions  Il canto anarchico in Italia dell’ Ottocento et nel Novocento. Zero in condota.

La revue reprend également le texte de ce qui fut diffusé sur France Culture le 13 juin dernier par la Libre pensée, à propos d’un Anatole France qui professa une sorte d’athéisme humaniste. Christophe Bitaud interviewe Dominique Goussot, comédien, metteur en scène et spécialiste de celui qui fut en 1904 Président d’honneur de la Libre pensée. Cette émission est mensuelle.

Pierre Sommermeyer propose une réflexion sur la relation entre Anarchistes et Juifs dans un livre qui vient de paraître aux éditions Libertaires. Christian Eyschen en donne une longue recension dans laquelle il revient sur le procès Eichmann et reprend par ailleurs plusieurs questions posées par l’auteur. Pour l’une : pourquoi l’anarchisme a-t-il touché les Juifs ashkénazes davantage que les sépharades ? La réponse est simplissime. L’anarchisme est né dans la sphère géographique et culturelle du Yiddishland et pas au sud de la Méditerranée.

Deux hommages sont aussi publiés, le premier à Michel Tubiana, ancien Président de la ligue des Droits de l’Homme et récemment décédé, qualifié de « roc inébranlable » ; le second à Georges Wolinski, l’une des victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015.

Quant au classique de la revue,  la chasse au cléricalisme catholique, elle se nourrit entre autres des enfants volés du franquisme ; de la lutte d’Italiens contre le concordat toujours à l’œuvre dans la péninsule ; du mariage d’un Evêque catalan tombé amoureux d’une rédactrice de romans érotiques et sataniques ; du rôle équivoque des aumôniers de prisons.

On oubliera en revanche un article sur le passe-sanitaire faisant référence au fascisme et une quatrième de couverture consacré à une guerre picrocholine entre chapelles lambertistes à Limoges. Depuis que la fédération de la Haute Vienne a quitté l’organisation nationale, le torchon brûle et les coups volent bas. La libre Pensée est ce qu’elle est, à savoir une sorte d’Auberge espagnole, au demeurant active et efficace, mais le naturel est impossible à chasser pour certains militants. L‘influence de la Bête, probablement… Un petit conseil amical, si un petit groupe à la recherche, qui s’éternise, du grand parti de la classe ouvrière, venait à gêner aux entournures, mieux vaudrait l’ignorer que de lui faire une publicité d’enfer et d’attiser la curiosité en voulant le limoger.

Au prochain numéro, 667, les choses devraient se calmer.

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Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage" JEAN JAURES
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