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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Algérie 1962 - Une histoire populaire », de Malika Rahal

Jean-Pierre Bacot

Ce livre, publié aux éditions de La Découverte apporte un regard original sur la manière dont la majorité arabo-berbère a vécu la fin de la guerre d’Algérie, cette année 1962 qui aura marqué un double bouleversement démographique et politique. En effet, non seulement les « pieds noirs », dont une partie étaient des Juifs séfarades,  sont partis précipitamment sous la pression qui fut désignée par la fameuse formule « la valise ou de cercueil », mais aussi nombre de Harkis furent du délicat voyage, ceux au moins qui purent échapper à la vengeance du FLN (Front de Libération National). On sait moins que quelque 300 000 algériens, réfugiés au Maroc ou en Tunisie, firent retour au pays natal.

Malika Rahal, historienne et chargée de recherche au CNRS parle aussi du quart de la population qui, détenu dans les camps de concentration, fut libéré, tout en étant la cible privilégiée des tueurs de l’Organisation de l’Armée Secrète, la sinistre OAS. Le corpus mobilisé par l’auteur est immense : témoignages oraux, autobiographies, chansons, poèmes, photographies, films. Malika Rahal utilise également les archives de la guerre d’Algérie, aujourd’hui entr’ouvertes. En résumé, cet ouvrage est d’un grand intérêt et nous offre ce dont nous n’avons jamais pu disposer en langue française, en tout cas de manière aussi construite, cette histoire populaire et interne.

Le retour à 1830, date de l’invasion française, ce que Malika Rahal appelle « l’invention du passé », les disparus, la ruée sur les terres disponibles, les vengeances, la difficile construction d’une démocratie qui n’arriva jamais, avec de telles thématiques, cet ouvrage se dévore. Il nous rappelle ce que fut l’attitude odieuse de certains colons qui tirèrent sur les foules en colère. Le propos de l’auteure n’est cependant pas dans la déploration, mais dans l’observation fine des stratégies de reconstruction d’un État, aussi bien pour  la délicate reprise d’une scolarité de masse et d’une santé publique après la déclaration d’indépendance, que pour la construction d’un récit national après la fin des luttes internes fratricides. Elle décrit également le passage de l’ombre à la lumière de maquisards en lambeaux et analphabètes, descendant des montagnes et essayant d’exercer immédiatement un pouvoir sur une population abasourdie.

Dans la logique de ses travaux, Malika Rahal vient de publier un autre ouvrage (également publié à La Découverte), consacré à la trajectoire singulière d’Ali Boumendjel, sous-titré « une affaire française, une histoire algérienne ». Cet avocat algérien, porteur d’un idéal républicain, fut assassiné par l’armée française. Loin de la légende construite par le FLN, elle cherche à montrer la complexité du personnage.

Une plainte, qui devient récurrente, pour finir. Dans un livre universitaire publié à La Découverte, on pourrait espérer des notes infrapaginales, plutôt que de se trouver amené à négliger de précieuses références, fatigués que nous sommes par de constant allers-retours pour les lire en fin d’ouvrage.

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