Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Thierry Maugenest
Avant de lire ce petit livre disponible sur Amazon, j’avoue que je ne connaissais pas grand-chose au transhumanisme et que ce courant de pensée restait chargé de son cortège de fantasmes effrayants. Bien m’en a pris. Car si nous devons nous inquiéter de quelque chose, c’est de la dérive de l’humanité vers un post-humanisme en lieu et place d’un transhumanisme ; la technologie devant se mettre au service de l’humanité et non se substituer à l’humanité. Les pages de ce livre m’ont également permis de revisiter de grandes figures mythologiques : Prométhée (suivant l’étymologie, celui qui réfléchit avant) mais aussi Épiméthée (celui qui réfléchit après), soit un être sans conscience, qui ne considère les évènements qu’à court terme ; un être terriblement d’actualité, je trouve…
Ce petit essai de quelques soixante pages arrive à point nommé pour nourrir notre réflexion, à l’heure où l’on est passé de l’équation (ô combien réductrice) virus = mort, à une autre, plus inconsciente, mais tout aussi simpliste, mort = Covid. Et cette crise existentielle, durant laquelle il semble que l’homme occidental se soit redécouvert mortel nous a, davantage encore, inféodé à la toute-puissance (technique et politique) des Gafam, et plus encore à celle d’une science triomphante et despotique, symbolisée par un vaccin aux doses (pour parodier Mallarmé) toujours renouvelées. C’est dans ce contexte de fuite en avant technologique que l’auteur de cet essai s’inquiète (à juste titre selon moi) de la disparition de notre connexion privilégiée avec notre nature profonde, humaine très humaine. Le danger, pour lui, c’est de voir l’humanité dériver vers un post-humanisme en lieu et place d’un transhumanisme. La technologie se devant de se mettre au service de l’humanité et non se substituer à l’humanité.
Mais qu’est-ce donc que ce transhumanisme dont il est question ici, un terme souvent chargé des pires fantasmes ? Il s’agit tout simplement d’un mouvement intellectuel (né sans doute avec les premiers hommes) qui considère que le handicap ou la souffrance sont indésirables et qu’il faut y mettre un terme. C’est là qu’intervient le progrès technique. Mais Gargantua avait prévenu Pantagruel : science sans conscience n’est que ruine de l’âme ! Et les innovations peuvent être salvatrices comme délétères. Doivent-elles par exemple tenter d’abolir la mort ? Où sont ses limites ? La réflexion que propose ce livre parcourt des milliers d’années, remontant ainsi aux sources des mythes.
Ainsi, ce petit ouvrage est celui d’un philosophe, d’un historien mais surtout d’un homme au regard lucide sur notre époque… celle du post-religieux. Mais post-religieux ne signifie pas post-croyance, celle-ci étant universelle et susceptible à tout moment d’engendrer l’autoritarisme. Une lecture très personnelle de ce livre ravive alors dans ma mémoire cette pensée de Henry Louis Mencken : « La tentation de sauver l’humanité est presque toujours un masque cachant l’envie de la gouverner. »