Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
La série s’intitule Manu et Dieu et est parue aux éditions Mutine dans la collection « Coup de gueule ». Elle ne comprend, pour l’instant, que quatre petits tomes d’une quinzaine de pages chacun. Si Charles de Gaulle avait confié à André Malraux : « Au fond, vous savez, mon seul rival international, c'est Tintin ! » (1), Marie-Thérèse Mutin imagine qu’Emmanuel Macron n’accepterait de se mesurer qu’à Dieu ! Elle raconte donc les visites que rend Manu, « Jupiter aux petits pieds », au Ciel, rencontrant Jésus et Dieu pour leur vanter, à chaque fois, son bilan annuel et la justesse de son action (le 5e tome attendra, sans doute, les élections d’avril 2022). Dans des dialogues à la fois jubilatoires et sans complaisance, le Père et le Fils sont ainsi amenés à commenter et à juger sévèrement les initiatives et les propos du président français.
Déçu parce qu’il n’est reçu « que » par Jésus dans le premier tome, Manu doit, en plus, s’entendre reprocher « l’expression de [sa] suffisance, de [son] arrogance, de [son] manque d’empathie... ». Le fils de Dieu va jusqu’à regretter que son Père n’ait pas soumis Manu à quelques épreuves qui l’« auraient rendu plus humble, plus bienveillant pour ceux qui souffrent, qui se battent pour survivre » et il n’aurait « pas eu ce mépris qui Nous blesse ». Jésus dénonce aussi la façon qu’a Manu de mesurer la valeur d’un humain à « la grosseur du compte en banque ».
Le tome 2 se déroule pendant l’insurrection des Gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites. Dieu reçoit enfin Manu mais pas pour le féliciter : le président se voit reprocher ses écarts de langage triviaux, sa croyance dans le « ruissellement » et sa « propension à repousser toute responsabilité dans l’état des pauvres, des sans abris. Pire encore, ce sont eux qui sont responsables de leur état ». Et quand Manu minimise les affrontements entre policiers et manifestants en expliquant qu’il n’a pas provoqué le Déluge, Dieu lui rappelle qu’il a placé un homme juste, Noé, au cœur du Déluge, alors que Manu n’y a mis qu’Alexandre Benalla et Christophe Castaner.
Dans le tome 3, Manu décide d’imiter Jésus s’adressant aux foules et crée le « grand débat », ce qui lui vaut cette interpellation du Fils de Dieu : « Tu compares tes séances d’enfumage à mes prises de paroles ? » En entendant les leçons que Manu tire de ce « grand débat », Dieu quitte le rendez-vous, car « Fils, tu as raison, il est irrécupérable ! ».
Enfin, dans le tome 4, comme, selon le Saint-Esprit, Manu « prend tous les prétextes pour asséner au peuple un de ses discours longs, ennuyeux, incompréhensible » et alors que le président se montre toujours aussi arrogant, Dieu déclenche le coronavirus. Et quand Manu se vante devant Jésus de sa bonne gestion de l’épidémie et de ne pas avoir, lui, de Judas auprès de lui, Jésus lui demande d’en parler à François Hollande... Manu est bientôt renvoyé sur Terre pour finir son quinquennat.
Dans cette Vème République au président irresponsable et où les contre-pouvoirs sont soit asservis, soit affaiblis, Marie-Thérèse Mutin semble finalement nous dire, avec un humour teinté d’indignation mais aussi d’affliction, qu’à la différence du conte, il faut maintenant au moins être Dieu ou son Fils pour oser dire au souverain qu’il est nu.
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