Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
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Jean-Pierre Bacot
Il y a eu en France et en Belgique un communiqué des principales obédiences maçonniques pour condamner l’invasion russe en Ukraine et demandant l’arrêt des hostilités. Dont acte. Certains hommes et femmes politiques en ont fait de même. Mais cela ne règle rien. L’exercice d’un témoignage, tel que l’adorent les chrétiens ne saurait suffire. La vraie question, outre les manifestations répétées, le soutien financier, alimentaire et médical, qui s’organisent, est, en effet, celle des armes a minima défensives à livrer, comme cela a fort heureusement commencé. Elles serviront contre ceux qui tirent sur les civils, les écoles et les centrales nucléaires, et multiplient les crimes de guerre dont ils auront bientôt à répondre devant une Cour Pénale Internationale qui a commencé à enquêter sur place.
Les différentes branches du courant progressiste et humaniste, mais aussi les forces de droite républicaines, sont divisées sur cette question, certains refusant de voir qu’en terme d’impérialisme, il n’existe pas seulement celui des États-Unis et de ses alliés, mais aussi celui de la Russie, de la Chine, de la Turquie, etc. S’est-on jadis étonné que les résistants vietnamiens, entre autres, reçoivent des armements pour se défendre des Américains ou que les Syriens soient équipés pour survivre sous les bombardements russes ? Quant aux Résistants français, pendant la deuxième guerre mondiale, n’ont-ils pas bénéficié de parachutages d’armes ?
Regardons ce que fut l’histoire du pacifisme en France, notamment dans les années 1930 où, parmi nombre d’attitudes tragiques, on vit le Front Populaire laisser l’Espagne à Franco pour, justement, ne pas avoir à assumer un statut de belligérant. Faut-il attendre que Poutine instaure unilatéralement un cessez-le-feu en laissant une Ukraine exsangue, avec des millions de réfugiés, des dizaines de milliers de morts et de blessés, dont nombre d’enfants, pour se réjouir bruyamment de la fin de la guerre ?
Il existe déjà en Ukraine quelques cimetières de chars soviétiques. Ils n’auront pas été détruits, ces tanks, par des fusils de chasse, mais par des armes antichars ou, au moins des cocktails Molotov. De plus, il faut être sourd et aveugle pour ne pas voir que les soutiens de Poutine en France, outre un personnage de gauche qui le soutient depuis des décennies, sont Marine Le Pen et Éric Zemmour. Poutine est ancré sur un nationalisme russe mythologisé et religieux, ce qui en fait indubitablement un homme d’extrême-droite. Mais il existe également quelques survivants du stalinisme qui pensent que l’Ukraine est depuis toujours ou presque, un pays de fascistes, alors que leur héros est devenu du même acabit et que son hôpital se moque de la charité.
Si nous pouvions ouvrir le débat sur cette question urgente, nous aurions eu l’impression d’être utile. Nous sommes en effet convaincus qu’il y aura foule de commentateurs de la vingt-cinquième heure pour nous expliquer que l’on ne connaissait pas l’ampleur des massacres, qui pleureront sur la partition de l’Ukraine que l’on peut craindre aujourd’hui inévitable. Il y en aura aussi pour compatir les malheurs de la Russie poststalinienne humiliée que l’on ne comprenne pas sa difficulté à connaître la démocratie. La démocratie, vous savez, ce truc d’occidental…
