Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Alors que le soleil estival nous éloigne chaque jour un peu plus de l’envie de travailler, les conversations ne manquent pas de tourner autour de ce que les médias appellent « la grande démission », « the Big Quit » ou « the Great Resignation ». La formule vient des États-Unis où 38 millions de salariés ont quitté leur poste en 2021. Ces démissions sont concentrées dans certains secteurs : l’hôtellerie-restauration, le commerce et les entreprises de service et les professions du soin, toujours dans des emplois mal payés et aux conditions de travail dégradées.
Le mouvement s’expliquerait, pour les plus anciens, par le Covid parce qu’il a bouleversé l’ordre de leurs priorités de vie. Mais pour les plus jeunes, il s’expliquerait d’abord par un effet conjoncturel lorsque le manque de main-d’œuvre permet d’obtenir de meilleurs salaires. Il y a ensuite et surtout la recherche d’employeurs plus éthiques et soucieux de la qualité de vie au travail.
En effet, depuis plusieurs décennies, les employeurs faisaient la loi au sens propre comme au sens figuré. « L’adaptabilité » était le maître-mot, c’était la qualité que toutes les écoles poussaient à mettre en avant dans les entretiens d’embauche. C’est au tour de l’entreprise de s’adapter, voilà ce que disent les salarié.es devenu.es résistant.es.
Certes, il est beaucoup question en ce moment, en France, de la fronde des jeunes diplômé.es des grandes écoles réclamant un enseignement plus connectés aux enjeux écologiques : le 7 mai à AgroParisTech ; le 11 juin à HEC ou les 24 et 25 juin à l’École polytechnique. Mais l’essentiel est ailleurs : après plus de 30 ans de chômage de masse, de précarité organisée et ciblée envers la jeunesse et les femmes avec la complicité des plus grandes entreprises et de confiscation de la plus-value par les actionnaires au détriment des salarié.es, ces mêmes salarié.es sont désenchanté.es, s’ennuient au travail, cherchent du sens dans des emplois dont la raison d’être leur échappe. Certain.es espèrent pourtant changer le système de l’intérieur, ils continuent à postuler, à se moduler, à s’adapter comme avant. Certain.es deviennent même cyniques et mercenaires sans état d’âme. D’autres ne veulent plus collaborer et désertent pour ne plus passer pour les « idiots utiles » ou les « bouffons de service » d’un système qui les broient. D’autant plus qu’à la différence des États-Unis, les Françaises et les Français disposent des ressources de leur État social pour faciliter reconversions et changements de vie. C’est d’ailleurs aussi pour cela que son démantèlement est toujours à l’ordre du jour par ceux qui veulent faire reprendre le chemin de l’usine. En juin 1968, une ouvrière des usines Wonder de Saint-Ouen se rebellait malgré les accords de Grenelle : « Non, je ne rentrerai pas, je ne foutrai plus les pieds dans cette taule, c'est trop dégueulasse ! » criait-elle dans un petit film de Pierre Bonneau et Jacques Willemont. C’était déjà le lointain écho de ce que Virginie Despentes écrira le 1er mars 2020 dans Libération : « On se lève et on se barre ». Décidément, la jeunesse promet un changement qui n’est pas seulement climatique.