Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
Le format de la revue Les Influences est de poche, réellement de poche, car les 108 pages tiennent vraiment dans une poche. Le photographe est Olivier Roller et les superbes portraits qu’il réalise sont toujours en pleines pages, en couleurs ou, ici, en noir et blanc. Enfin, ses lectrices et lecteurs sont les curieux des idées, de sciences humaines et sociales, des lieux où l’on pense. C’est aussi pour cela que les articles sont lisibles et plutôt courts, parce qu’ils sont faits pour inviter à aller voir - et lire - ailleurs.
Dans ce n°6, la rubrique « Le feuilleton des idées » commence par « le macronisme et son président décortiqués par des psys », titré « l’énigme » et où 5 psys donnent leur interprétation...
Ruben Rabinovitch, psychologue et psychanalyste explique que « Macron est moins positionné dans l’imaginaire inconscient comme un père plus ou moins à la hauteur que comme un frère rival et usurpateur de l’amour maternel (Brigitte Macron) ou paternel (Sarkozy, Bayrou, Rothschild et les trahis, Colomb et Hollande) ». Pour le dire autrement, « le président élu n’incarne pas une figure de père de famille, d’homme mûr et aguerri ou de collectionneurs de conquêtes féminines. Il se présente au contraire comme un frère rival avec des passe-droits, comme un fils injustement préféré, comme ayant accès à des jouissances dont les autres seraient privés ».
Xiaomeng Ma et Vincent Hein, psychanalystes, reconnaissent une figure littéraire : « tout comme l’abbé Cénabre du roman de Bernanos (1) – ce prêtre dénué de foi mais dont les prêches fascinaient les foules -, Emmanuel Macron se complaît dans l’image qu’il renvoie et se nourrit de l’admiration qu’il imagine qu’on lui porte. C’est un président Narcisse, dont les discours s’abreuvent de la parole d’autrui ». Et ils finissent leur portrait en décrivant un être incapable d’empathie, pour qui l’Autre n’existe pas ou alors que comme un produit pour atteindre ses fins.
Benjamin Lévy, psychanalyste, se livre à l’analyse du slogan macroniste « Libérer les énergies ! » et en conclut : « qu’importe le moyen, faut qu’on libéralise, et qu’on rote, qu’on pète, qu’on crie, qu’on éjacule, qu’on chie, qu’on réforme – que ça se libère à la fin, foutre dieu ! »
Enfin, Arnaud Viviant, psychanalyste depuis cette année préfère s’intéresser à l’épouse, Brigitte Macron et à son complexe de Jocaste (séduire le fils) : « ne nous y trompons pas : la transgression ne vient pas de lui, mais d’elle. Le franchissement des interdits, le refus de la Loi, ce n’est pas lui, c’est elle ». Et il tacle au final : « depuis sa rélélection, Macron ne pense qu’en ʺre-ʺ : il appelle son nouveau parti ʺReʺnaissance, il songe à créer un Conseil national de la ʺreʺfondation, comme un bébé fait ses ʺareuhʺ, comme on refoule. Le ʺareuhʺ s’oppose ici bien sûr au ʺré-ʺ, celui de ʺréʺsistance et de ʺréʺvolution ».
Le sommaire propose bien d’autres occasions de bonheur :
- Hommage à Michel-Antoine Burnier et sa théorie du « Que le meilleur perde ».
- Portrait de Marc Laimé, l’expert qui remunicipalise l’eau.
- L’enquête sur les 44% d’Invisibles en France, par Denis Maillard et Assaël Adary
- La pétition en ligne, un nouveau pouvoir : rencontre avec Aminata Dembele, la directrice de la plateforme « Change France ».
- Dixit la politique : les paroles de la vie politique écumées par la start up Dixit.
- Relire le grand texte d’Edgar Morin sur la gauche.
- Le capitalisme culturel analysé par le sociologue Jean-Louis Fabiani.
Etc...
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1. L’abbé Cénabre est l’un des personnages du roman L'Imposture (Plon, 1927).