Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Petite et grande histoire de l’environnement. Konrad von Moltke (1941-2005) de Claire Weil

Julien Vercel

L’ouvrage de Claire Weil (Museo éditions, 2021) s’appuie sur la biographie de Konrad von Moltke pour retracer l’émergence de la notion d’environnement et de ses traductions en politique internationale. Peut-être était-ce du fait de sa lourde hérédité - Konrad von Moltke était issu de la famille du général de la victoire contre l’Autriche en 1866 et contre la France en 1870 et avait un père résistant au nazisme -, ou plus sûrement par ses qualités propres - il n’a eu de cesse, dans sa promotion de l’environnement, d’associer les réflexions théoriques à la recherche d’applications pragmatiques, c’est-à-dire en tenant compte des cultures locales et des inerties institutionnelles -, Konrad von Moltke, homme de réseaux et de think tanks, a été un passeur entre les différents continents. Il les a sillonnés avec une méthode éprouvée : soumettre chaque politique d’un État à l’analyse de chercheuses et chercheurs appartenant à d’autres pays. Comme l’écrit Claire Weil, « Konrad pressentait ou était peut-être conscient qu’il n’était réellement ni un homme politique, ni un scientifique. Il possédait toutefois la capacité de s’appuyer sur ces deux mondes. il en connaissait suffisamment les langages et les codes pour bâtir entre eux des passerelles solides et durables ».

Et c’est en suivant le parcours de ce militant rigoureux de l’environnement, particulièrement au sein de l’Institut pour une politique européenne de l’environnement (IPEE), que l’autrice aborde la lente émergence du sujet environnemental, depuis notamment la parution, en 1962, de Silent Spring de Rachel Carson et le naufrage du pétrolier Torrey Canyon en 1967 jusque dans les années 2000 en passant par le rapport du Club de Rome, The Limits of Growth, en 1972.

En marge de notations purement biographiques, l’autrice rappelle les faits qui jalonnent cette histoire faite d’alertes scientifiques - en 1974, deux chimistes de l’université de Californie font le lien entre la disparition de la couche d’ozone et les chlorofluorocarbures (CFC) ; en 1979, déjà, un rapport au National Research Council faisait le lien entre la concentration de dioxyde de carbone (CO²) et le réchauffement climatique et en 1980, un rapport allemand sur la pollution en mer du Nord évoque un « Vorsorgeprinzip » qui deviendra en France « le principe de précaution » - et de conférences internationales - la conférence de Stockholm en 1972 affirme « Nous n’avons qu’une Terre » et crée le Programme des nations unies sur l’environnement (PNUE) ou encore le sommet de la Terre à Rio en 1992.

Au cours de ces années, Konrad von Moltke recherche une évaluation environnementale « universelle », partagée entre tous les pays. En 1989, à l’occasion d’un article sur l’état des Grands lacs américains, il imagine ce que pourraient être des institutions transnationales chargées des évaluations scientifiques environnementales. Sans être membre d’aucun gouvernement, ni d’aucun parti, il dialogue avec les États et leurs représentants, avec les institutions européennes. Il reconnaît que l’un des mérites de la conférence de Rio a été de légitimer de nouveaux acteurs au sein de la diplomatie environnementale : les multinationales, les organisations non gouvernementales (ONG), les scientifiques et les populations indigènes. C’est d’ailleurs notamment pour que ces acteurs ne soient pas exclus des négociations qu’il n’est pas favorable à la création d’une agence internationale de l’environnement. Il participe encore, dans les années 1990, à la formation de cadres universitaires chinois sur la recherche en matière d’environnement puis travaille sur les liens entre le commerce, les investissements et l’environnement.

Chaque terrain de recherche et de travail de Konrad von Moltke est lié à ce qui deviendra  « l’affaire du siècle » et l’ouvrage de Claire Weill vient utilement en rappeler les racines et en décrire le cheminement intellectuel, scientifique et politique emprunté jusqu’à nous.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article