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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Un hommage à René Guilly - Renaissance Traditionnelle (n°201-202)

Jean-Pierre Bacot

Il manquait une biographie de René Guilly (1921-1992), celui qui, sous le pseudonyme de René Desaguliers, fut le principal acteur de cette « renaissance traditionnelle » qui donna son nom à la revue qui lui rend hommage dans son numéro 201-202 qui vient de paraître.

Plusieurs rédacteurs habituels de cette publication de très haute qualité se sont mis à l’ouvrage. C’est d’abord Pierre Lachkareff qui s’est attaqué à un long rappel de ce que furent les années de jeunesse de Guilly, marquées par un goût prononcé pour la poésie, à la suite d’études littéraires que suivit également sa femme Jacqueline. Cette orientation lui fera traverser la guerre sans grande conscience politique, c’est le moins que l’on puisse dire. À la Libération, Guilly travaillera à la radio et au quotidien Combat. Fidèle à la liberté de création, il défendra Artaud contre ses détracteurs. Il sera en fait toujours en quête des « vraies richesses » qu’il recherchera également plus tard dans la Franc-maçonnerie.

C’est à Paul Paolini que revient la charge de retracer la carrière maçonnique de Guilly qui commença en 1951 au Grand Orient de France, dans une des loges les plus prestigieuses de cette obédience, la « Clémente amitié », à Paris. Il participe en 1955 à la création d’un atelier qui entendait travailler sur les sources anciennes, « Devoir et raison ». En 1964, il démissionne de la rue Cadet pour rejoindre la GLNF, où il croit trouver un meilleur rapport à la tradition. Influencé par Marius Lepage (1902-1972) qui fit le même parcours que lui, sorti de l’agnosticisme familial pour devenir catholique, Guilly s’intéressera à sa vie intérieure, qu’il veut spirituelle. Passé par la GLNF Opera qui deviendra GLTSO, et qui ne compte alors que quelque 300 frères, il finira pas être l’un des fondateurs de la Loge Nationale Française en 1968.

Intéressé par tous les rites, il se passionnera pour le Rite français qu’il considère comme primordial à tous le sens du terme, en s’appuyant sur le travail d’un maçon néerlandais, Henri Van Praag. L’attitude de Guilly résume ce que sera l’esprit à la fois de la LNF et de Renaissance traditionnelle : « Un travail d’érudition véritablement scientifique, consistant à détecter et à mettre en forme, pour chaque grade, les versions les plus anciennes et les plus authentiques ». C’est ce travail, et non la bénédiction d’une obédience, qui construit pour lui et ses continuateurs une véritable et authentique Régularité.

Guilly n’en était pas pour autant sectaire : en témoigne l’appui qu’il donnera à Eliane Brault et Raymond Jalu pour fonder en 1973 un Suprême Conseil de Rite Écossais à la Grande Loge Mixte Universelle qui venait de quitter le Droit Humain.

Spiritualiste, Guilly n’en détestait pas moins l’occultisme, dont il estimait qu’il avait fait grand mal à la maçonnerie. À la LNF, il participera non seulement au développement du Rite français, mais aussi à un nettoyage du Régime écossais rectifié de toutes les scories accumulées au cours des siècles, et au réveil de la Grande Profession qui se situe au delà du grade de CBCS. La filiation choisie pour ce nec plus ultra de l’ésotérisme chrétien sera genevoise. Pour compléter le tableau, Paoloni présente des morceaux choisis de la correspondance maçonnique de Guilly.

Avant-dernier article, très illustré, de ce beau numéro de Renaissance traditionnelle, celui que Bernard Dat consacre aux voyages à la fois maçonniques et familiaux qu’il fit avec Guilly à Zurich en 1979 et à Dublin en 1988.

Pour conclure, Roger Dachez retrace le parcours de Guilly/Desaguliers sous le tryptique « un homme, une époque, un projet ». L’auteur retrace ce que fut le difficile réveil de la maçonnerie en 1945. Rappelant les deux brochures que son prédécesseur à la direction de la revue produisit en 1961 et 1963, Dachez estime qu’elles ont « pulvérisé les manuels de symbolisme alors en vogue, lesquels se nourrissaient essentiellement d’une alchimie de pacotille, d’une kabbale fantaisiste, d’un ésotérisme mal maîtrisé». L’aventure de Renaissance traditionnelle, née en 1970, est ensuite rappelée dans les détails. Guilly dirigea la revue noire pendant un quart de siècle et en fit un outil de référence.

En résumé, on ne peut que féliciter une fois de plus les rédacteurs de cette revue essentielle qui a passé le cap des 200 numéros, ce qui force le respect. Qui plus est, rendre hommage au Créateur, quoi de plus normal pour les adeptes érudits du Grand architecte des plurivers ?

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