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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Les étrangers et d’origine étrangère dans la France libre et dans la Résistance, 1942-1945 (1/4)

 Hubert Sage

Le projet de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, un des symboles de la Résistance, est porté depuis un an conjointement par l’association Unité laïque, association composée essentiellement de francs-maçons du Grand orient de France (GODF), et par le maire de Valence dont la ville comprend, en pourcentage, une diaspora arménienne importante avec un grand passé de résistance. Ce projet va être popularisé en priorité dans beaucoup de villes dans les régions allant de Paris à la vallée du Rhône, et jusqu’au midi méditerranéen au moyen de diverses manifestations. L’action vigoureuse de Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque auprès de la présidence de la République en faveur de ce projet, a permis déjà de recevoir officieusement au début de l’année précédente un avis favorable des services de l’Élysée pour sa réalisation le 21 février 2024, date du 80ème anniversaire de l’exécution de Missak Manouchian au Mont Valérien. Pourtant, il y a deux ans, un refus avait été prononcé pour que sa panthéonisation se fasse en même temps que celle de Joséphine Baker, autre figure emblématique des étrangers ou d’origine étrangère qui se sont impliqués dans la Résistance et la France libre.

Cette popularisation est nécessaire auprès de tous les milieux composant  notre nation pour rappeler que leur implication s’est faite non pas par une adhésion à un nationalisme impérialiste ou suprématiste, mais pour l’idéal que porte la République française dans ses valeurs laïques et universalistes d’émancipation.

 

Les étrangers dans les armées de la France libre

La définition des engagés dans la France libre de de Gaulle, définition admise après la guerre, correspond à toutes celles et tous ceux qui se sont engagé.es volontairement jusqu’en 1943 dans l’armée de libération. En termes de pourcentage, retenons grosso modo dans une estimation soumise, certes, à critique, les chiffres suivants : citoyens français 50%, soldats coloniaux 40%, étrangers 10%. Ces pourcentages évoluent évidemment selon le type d’opérations militaires en France métropolitaine et ailleurs. Néanmoins, ces chiffres reflètent bien l’importance du rôle des étrangers auxquels on agrège les soldats coloniaux dans cette armée de libération. Le terme de « Français libres » ne désigne donc pas, pour nous tout au moins, seulement les combattants ayant appartenu aux forces armées stricto sensu de la France Libre de départ formées d’abord à Londres, mais aussi  aux forces aériennes et navales ralliées au fur et à mesure jusqu’en 1943 à de Gaulle et surtout aux forces terrestres (FFL) qui combattent avec les Britanniques en Libye dès septembre 1940 et s’illustrent au cours de combats qui contribuent à forger leur « épopée » (comme à Koufra en mars 1941 ou à Bir Hakeim en mai-juin 1942).

Ces forces terrestres étaient composées en grande partie d’étrangers, que ce soit dans la Légion étrangère ou dans d’autres unités combattantes. L’engagement de combattants étrangers provient quand même surtout des unités de la Légion étrangère : 13e demi-brigade de Légion étrangère (DBLE) de retour de Norvège en 1940 après l’expédition de Narvik et les contingents du 6e Régiment étranger d’infanterie (REI) à l’issue de la campagne de Syrie : les Républicains espagnols et ressortissants de l’Europe centrale (parmi lesquels de nombreux juifs) y étaient fortement représentés. Mais cet engagement des étrangers ne provient pas seulement de la Légion étrangère, d’autres unités combattantes regroupaient des étrangers, comme la 2ème DB du général Leclerc.

L’emblématique 2ème DB a été formée par le général Leclerc en 1943 au Maroc, à partir d’éléments complètement disparates, avec les tous premiers français libres ayant rejoint de Gaulle à Londres ou en Afrique et au Moyen orient, avec des français ayant fui ensuite par l’Espagne de 1941 à 1943 pour rejoindre la France libre, avec des pieds-noirs d’Algérie mobilisés en masse en 1943, avec des soldats provenant des régiments coloniaux d’Afrique (un peu plus de 3 000 maghrébins sur les 16 000 combattants), et avec près d’un millier d’étrangers de toute origine : Tchécoslovaques, Polonais, Allemands antinazis, Italiens antifascistes, Arméniens du Moyen orient, mais surtout Républicains espagnols dont des anarchistes catalans, très majoritaires dans la 9ème compagnie dite « la Nueve » du capitaine Dronne, lequel avait pour adjoint le lieutenant espagnol Amado Granell et un chauffeur arménien venant de Constantinople, Krikor Pirlian. C’est elle qui est entrée la première dans Paris le 25 aout 1944, bousculant les défenses allemandes.

Il y avait également les soldats coloniaux des unités combattantes engagés dans l’armée de libération, à ne pas oublier, ni mettre de coté, notamment pour l’armée française qui a débarqué le 15 août 1944 en Provence où un peu plus de la moitié des 250 000 soldats de l’armée française étaient des maghrébins ou originaires de l’Afrique subsaharienne.

Enfin, il faut aussi insister sur tous ceux qui œuvraient au sein des réseaux du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) et autres réseaux d’espionnage et de renseignement dans la France occupée (jusqu’à 8% du total des  combattants) où nous retrouvons des étrangers comme Joséphine Baker qui devint maçonne à la Grande loge féminine de France (GLFF) après la Libération, déjà entrée au Panthéon en 2021, et qui n’avait eu la nationalité française par mariage que la veille de la guerre.

 

à suivre...

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