Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« L’œuvre-vie d’Antonio Gramsci », par Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini

Jean-Pierre Bacot

Ce gros livre, paru récemment à la Découverte, permet de parcourir le croisement de la vie et de l’œuvre d’Antonio Gramsci (1891-1937). Né en Sardaigne, formé à Turin et mort en prison à Rome, ce grand penseur a considérablement enrichi la pensée marxiste, en particulier en l’ouvrant au champ de la culture. Il a connu à la fois la montée du fascisme mussolinien, dont il a été la victime expiatoire, et celle du communisme devenu stalinien, tout en souffrant d’un physique fort peu avantageux. Il était en effet petit et bossu, atteint du mal de Pott, sorte de tuberculose de la colonne vertébrale.

La lecture de cet ouvrage est d’autant plus précieuse que la notion gramscienne d’hégémonie a volontiers été récupérée par l’extrême-droite, puis par les néo-libéraux. Les auteurs nous rappellent également que Gramsci est à l’origine de tout ce qui s’est construit bien après sa mort comme études culturelles, puis études subalternes. Fin linguiste, mélomane, Gramsci a d’abord été un anti-nationaliste et aura commencé son existence intellectuelle par une intense activité journalistique. Il dirige notamment l’Ordine nuovo en 1921-22.

Embastillé en 1926, il rédige en captivité ses fameux Cahiers de prison, encore en partie inédits en France. Sa belle-sœur, Tatiana Schuch, qu’il appelle Tania, assure la liaison avec le Parti Communiste italien, duquel le philosophe politique prendra peu à peu ses distances. Étant venue s’installer en Russie, la principale destinatrice de ses écrits voit sa correspondance censurée, ce qui désespére un Gramsci qui profite de sa détention pour lire intensément, les fascistes s’étant contentés de l’éloigner. Il est libéré quelques mois avant de mourir d’une hémorragie cérébrale.

Théorisant la nécessité de l’hégémonie en politique comme une « guerre de position », Gramsci critique la ligne industrialiste de Trotski, puis celle de Staline quand il la reprend à son compte. Il reste néanmoins en contact avec un communiste italien, Piero Staffa. Penseur de l’état du monde, théoricien de la nécessité de résister et de la révolution passive, ayant abandonné la formule de « dictature du prolétariat », Antonio Gramsci est aujourd’hui considéré comme un penseur extrêmement fécond par toute la gauche radicale, toutes options confondues, et pas seulement en Italie.

La complexité de sa théorie et la plasticité de sa pensée n’auront pas empêché que ses ennemis en récupèrent des éclats. Mais cela aura été de courte durée, un certain ministre de l’intérieur français n’ayant pas choisi de persévérer dans ses citations à l’emporte-pièce. L’un des auteurs du livre, Romain Descendre, anime depuis une dizaine d'années un séminaire sur les Cahiers de prison à l'École normale supérieure de Lyon. Il a dirigé avec Jean-Claude Zancarini La France d'Antonio Gramsci, paru à ENS éditions en 2021.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article