Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
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Jean-Pierre Bacot
Une galerie des héros figure à la une du dernier numéro (691) de la Raison. Celles et ceux qui ont été massacrés par les nazis sont légion et la Libre Pensée a payé un lourd tribut à la lutte antifasciste.
La majeure partie du numéro est consacrée à détricoter l’accusation d’antisémitisme qui cherche à salir tout soutien à une Palestine qui voit un pays durement frappé par le terrorisme répondre par un crime de guerre. D’où cette question posée d’entrée par Jean-Sébastien Pierre : si des personnes qui se disent Juives participent à la protestation après avoir pris acte du massacre commis en premier lieu par des Palestiniens, sont-elles également antisémites ?
Viennent ensuite, comme de bonne habitude, des nouvelles du cléricalisme d’Irlande, d’Angleterre, du Portugal, d’Allemagne, mais aussi d’Ardèche où le village de Saint-Pierre-du-Colombier est victime d’une secte catholique traditionnaliste.
Autre chronique habituelle, la tournée des salles obscures d’Alain Vauchelles avec une analyse du dernier film de la polonaise Agnieszka Holland Green Border et de la Zone d’intérêt de Jonathan Glazer : deux regards sur les migrations et la forclusion du pire.
Ce qui suit est bien intéressant, puisque cela témoigne de la tension qui règne chez les libres penseurs lambertistes à propos de la Russie. On lit d’abord une recension de la très communiste et russophile (mais historienne hors pair) Annie Lacroix-Ruiz sur les origines du plan Marshall, qui fut marqué par l’antisoviétisme. Jean-Marc Raynaud publie ensuite un étrange avis de futur décès de Poutine, puis avec Samuel Deiler et Estelle Girod-Roux un soutien aux défenseurs de la mémoire d’Alexeï Navalny et à celles et ceux dont la manifestation spontanée de soutien avait été réprimée à Paris.
Autre sujet, Racisme d’Etat, états racistes, tel est le titre d’un livre d’Olivier Lacour Grandmaison qui a fait l’objet d’une émission de la Libre Pensée à France Culture et qui fait le bilan de ce que notre « terre d’accueil » a pu commettre comme vilénies.
Christian Eyschen, toujours aussi productif, s’attaque à sa propre lecture de l’histoire du Bund, Parti ouvrier juif ashkénaze d’origine menchevik, à partir d’un ouvrage de grande qualité, l’Histoire générale du Bund d’Henri Minczeles, paru aux éditions de l’Échappée.
Suit une variation qui signe l’appartenance qu’on nous permettra de trouver étrange de nombre de libres penseurs aux hauts-grades du rite écossais avec une balade alchimique à Bourges de Christian Eyschen (toujours lui) à partir du livre de Christophe Bitaud, un « voyage onirique où l’imagination vous emporte ». L’écossisme comme terrain imaginaire des rationalistes : un article à écrire en regard de ce que propose par ailleurs le rite français.
Cela dit, il était impossible que la Raison ne rendît pas hommage au Mouvement laïque Québécois présidé par Daniel Baril, en rupture avec les anciens arrangements de la « Révolution tranquille » locale, pour choisir désormais une laïcité de combat à la française.
Alain Leduc nous rappelle ensuite au souvenir de deux grands écrivains, John Dos Pasos et Octave Mirbeau, dans une logique pacifique qui est certes théoriquement raisonnable, mais pose question quand la guerre est imposée et qu’il s’agit de résister, cette nécessité de résistance étant trop souvent considérée à géométrie variable, célébrée dans le passé et négligée dans le présent. Le risque se précise avec la recension par Christian Eyschen de la Défaite de l’Occident d’Emmanuel Todd qui s’appuie sur les données démographiques pour prévoir un déclin des États-Unis et de leurs alliés, alors que la Chine et la Russie sont dans une situation pire. Quoi qu’il en soit, le fait d’écrire (CE) de Zelenski qu’il pratique un racisme d’État contre tout ce qui est Russe en Ukraine nous fait frémir. L’histoire, et dans pas longtemps, jugera de tels propos, quand on reconstruira l’Ukraine comme on reconstruisit l’Europe de après 1945.
Le magazine finit par un double hommage à Lucien Maroselli, militant du Lot qui coche toutes les cases, libre-penseur, ancien lambertiste et 33ème degré du Rite Écossais Ancien et Accepté (Souverain Grand Inspecteur Général). Fondé par qui, au fait, ce REAA ? Par un certain Comte Alexandre de Grasse Tilly (1765-1845), planteur et propriétaire d’esclaves, héritier de son père, amiral, chassé de Saint-Domingue par la révolte des Noirs qui secoua l’île de 1791 à 1804. Vous avez dit Résistance ?
« Nous garderons fidèlement la mémoire de nos martyrs et nous leur rendons hommage en suivent leur exemple, c’est-à-dire en combattant la tyrannie avec plus d’ardeur et de haine que jamais (sous tous les masques où elles essaye de se dissimuler) ». Dixit André Lorulot au Congrès de la Libre Pensée en 1945, cité en quatrième de couverture.
