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CRITICA ▲

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Le jardin et la jungle – Adresse à l’Europe sur l’idée qu’elle se fait du monde », par Edwy Plenel

Jean-Pierre Bacot

L’ancien directeur et fondateur de Mediapart vient de publier aux éditions de la Découverte un nouvel ouvrage en forme d’adresse à l’Europe, considérant que la vieille dame fait fausse route depuis des décennies et que, pour reprendre l’une des formules de Plenel, « elle a fait d’un jardin, une jungle ». La métaphore tiendrait mieux si le livre avait commencé à rappeler qu’avant le jardin, c’est aussi une jungle qui régnait dans la vielle Europe et même que la jungle d’hier était pire que celle d’aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit la faute de cette évolution négative vient d’une option néolibérale qui se double aujourd’hui d’une addition de nationalismes obtus. On ne peut que souscrire à cette idée, que les récentes élections européennes ont corroborée, nonobstant le désastreux Brexit et les divisions de l’opinion face à l’agression russe en Ukraine.

Pour Plenel il faut, en préalable à tout retour du jardinage, que l’Europe renonce à sa volonté de puissance et qu’elle admette que c’est dans son espace que sont nées les idéologies génocidaires. Si nous restons cramponnés à un imaginaire hérité d’un passé mal digéré, alors il n’y a plus rien à espérer. Là aussi, l’idée nous semble juste, même si elle se heurte à ce qui se serine autour d’un refus de la « repentance ». Il est vrai que, de l’esclavage à la répression néocoloniale de ces derniers mois, le travail de pensée critique et de mise en mémoire existe, mais sous deux aspects irréconciliables, l’universalisme des valeurs et l’essentialisation des communautés.

L’auteur estime que nous sommes désormais confrontés à un néofascisme triomphant contre lequel les leaders de l’Europe semblent impuissants, à supposer que certains n’y adhèrent, incapables qu’ils sont de reconstruire à la fois un rapport au droit et un retour de la notion d’égalité. Il insiste sur le poids du passé colonial et considère que si retour du jardin il y avait, ce serait dans le cadre d’une créolisation, heureuse allusion au Tout-monde d’Édouard Glissant.

Une telle idée de joyeux mélange aura de quoi hérisser les tenants des discours identitaires qui recherchent une mythique pureté, leurs tenants oubliant qu’ils sont tous ou presque métissés. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer à l’espérer. Le livre d’Edwy Plenel aura apporté sa pierre à l’édifice en délicate reconstruction.

Reprenant des éléments d’une actualité tragique, l’auteur note que le triomphe de la mort est annoncé. Citant Albert Camus, il plaide pour que l’on empêche le monde et, en son sein, l’Europe, de se défaire.

Dont acte. Mais à l’ancien léniniste, version trotskiste, on pourrait demander : « Que faire ? », comme se le demandait Vladimir Oulianov en 1901. Autre question mais qui, celle-ci, n’attend pas de réponse : cet ouvrage marque une fois de plus que la pensée critique se ne se porte pas si mal. Pour ne parler que de la France, le travail de Médiapart en témoigne, comme les éditions de la Découverte et quelques autres, sans oublier bon nombre de pensées universitaires. Mais pour quelle efficience ? Ce plaidoyer internationalise de défense de l’égalité des droits est déjà un acte d’écriture…

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