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CRITICA ▲

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Robert Ambelain, le théosophe clandestin », par Serge Caillet

Jean-Pierre Bacot

Il est des personnages dont l’existence aura été dédiée à une visite des marges de la religion et de la franc-maçonnerie. Robert Ambelain (1907-1919) est de ceux-là. Il a commencé sous l’occupation à réveiller des sociétés qui étaient interdites par le régime de Vichy. Serge Caillet vient de publier sa biographie aux éditions de la Tarente.

Si Ambelain toucha à la Rose-croix, aux élus Coën et au Martinisme, c’est surtout autour de deux pôles qu’il développa se recherche et sa pratique. Le premier est l’une des Églises gnostiques qui ont proliféré au début du XXème siècle sur une base héritée de ce qu’Irénée a fort bien analysé dans son traité du IIème siècle, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur Ἔλεγχος καὶ ἀνατροπὴ τῆς ψευδωνύμου γνώσεως, plus connu sous le titre Contre les hérésies. Le cadre en est connu, il n’y a pas un dieu, mais deux. Celui qui est bon est éloigné ou s’est retiré on ne sait où et c’est l’autre, le mauvais démiurge, comme l’appela Émile Cioran, qui a présidé à la création du monde et les religions. Il s’agit donc de prier pour adoucir le mal. Ambelain fut évêque gnostique d’une option qui n’est pas intellectuellement plus idiote que les autres. Ambelain est de ceux pour qui le christianisme est une fabrication d’écrivains du IVème siècle.

Serge Caillet, grand spécialiste de ces milieux détaille à la fois les organisations que fréquenta Ambelain et les frères qui l’accompagnèrent.

L’autre grande aventure de cet éternel insatisfait fut le réveil de la maçonnerie égyptienne, dite de Memphis-Misraïm, dont les racines remontaient au XVIIIème siècle, avec un premier réveil par Garibaldi en 1881. Depuis Ambelain, des structures masculines, mixtes et féminines ont proliféré, qui offrent un imaginaire spécifique à des maçonnes et maçons spiritualistes. En 1963, Ambelain qui avait été adepte du Régime Ecossais Rectifié et était Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, fut porté à la tête d’une Grande Loge de Memphis Misraïm.

Quant à la théosophie, sorte de science religieuse, davantage ancrée dans une connaissance que dans une croyance, c’est au sens large qu’il faut sans doute comprendre le titre choisi par Serge Caillet, car Ambelain, « courageux jusqu’à l’inconscience », ne fut pas à proprement parler amateur de mystères cachés. Il fut en revanche un chercheur infatigable de tout ce qui pouvait pour lui expliquer l’échec de la création, ce qui en fit sans doute un homme plus occultiste qu’ésotériste, à savoir davantage en attente de réalité que de sens cachés. Il aura tâté aussi, dans une existence bien remplie de l’alchimie, de l’astrologie, de la géomancie, bref de tout ce qui fit florès au moment de l’écroulement du christianisme en Europe occidentale. En 1967, il s’est intéressé au Catharisme, ce qui est tout à fait congruent avec son orientation et son engagement gnostiques.

Ambelain, fidèle à son statut d’agnostique, se fit enterrer civilement, avec sa seule famille et quelques amis proches. Serge Caillet, lui, semble croyant, puisqu’il parle beaucoup de « rappel à dieu » et martiniste revendiqué, adepte de ce courant qui cherche les lois secrètes qui président au monde sensible et qui est né dans une sorte d’ombre des Lumières, en réaction à la montée du rationalisme.

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