Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
Les auteurs de cet essai (éditions Rue d’Ulm/ Presses de l’ENS-PSL, 2024) soutiennent la thèse que « les polices de l’environnement sont plus caractérisées par les contraintes qui les empêchent d’agir que par la force contraignante qu’elles peuvent réellement déployer ». Leur autorité est en effet morcelée, leur activité entravée et leur légitimité contestée.
Ces contraintes sont d’abord la conséquence de leur morcellement. Car la France met en œuvre plusieurs polices : les inspecteurs des « installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) » rattachée aux services déconcentrés (SD) de l’État ; les policiers de l’eau et de la nature partagés entre les SD, l’Office français de la biodiversité (OFB) et les Parcs nationaux ; les gardes champêtres des communes ; les gardes forestiers de l’Office national des forêts (ONF) ; les officiers des ports ; les inspecteurs de la sureté nucléaire ; les agents des réserves naturelles… Et toutes ces polices sont régies par deux procédures : l’administrative sous autorité du préfet, à finalité préventive, ou la judiciaire, sous autorité du procureur, à finalité répressive.
Ensuite, les contraintes découlent aussi d’un manque de moyens. Ainsi il n’y a que 1 500 inspecteurs pour les 500 000 installations ICPE et 3 100 inspecteurs « eau et nature » pour 641 000 km² de territoire. Le résultat : « des normes à la pelle et des mises en œuvre à la peine », en fait ces mises en œuvre minimales servent juste à couvrir les exigences de l’Union européenne et permettent ainsi d’éviter les amendes pour manquement à la réglementation environnementale.
En procédure judicaire, l’environnement représente moins de 1% des affaires pénales traitées. De plus, la technicité des dossiers incite les magistrats à privilégier des procédures accélérées. Pas étonnant que la procédure administrative, plus axée sur la prévention et la réparation, soit préférée par les SD.
Enfin, les polices de l’environnement « contrôlent des lois dont la légitimité n’est pas largement admise ». Elles ne cherchent pas à rétablir l’ordre comme la police classique, mais « contribuent à faire advenir un ordre environnemental qui n’existe pas ». Les agriculteurs, encouragés par la complicité des pouvoirs politiques, ne les perçoivent que comme des contraintes sans contrepartie. C’est pour cela que les auteurs les qualifient de polices « d’avant-garde » qui « participent à la construction d’une société durable qui n’existe pas aujourd’hui ». Les auteurs insistent finalement sur le besoin préalable de partager la même vision de l’environnement par toutes les actrices et tous les acteurs, partage qui devrait concourir au changement de regard sur ces polices.