Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
10 Mars 2025
Jean-Pierre Bacot
Il faudra attendre la prochaine édition de la Raison - qui sera millésimée n°700 - pour que ces établissements scolaires catholiques, dont le déjà trop célèbre Bétharram et d'autres encore, fassent l’objet d’un bombardement en règle, d’avance bien mérité. En attendant, le numéro 699 est essentiellement dédié à celle qui fut une pionnière du féminisme de la Libre Pensée et de la Franc-Maçonnerie mixte française, Madeleine Pelletier (1874-1939). Le texte, rédigé par Christian Eyschen, n’insiste pas trop sur l’aspect Vierge Rouge de cette militante, mais finit en soulignant son caractère rugueux, attachant, et en tout cas combatif.
Notons, avant tout autre point, le rappel salutaire dans ce numéro 699, du dixième anniversaire de l’attentat contre Charlie Hebdo. Un ouvrage d’hommage au dessinateur Cabu sera bientôt publié. Il est en vente sur le site de la Libre Pensée, laquelle nous rappelle au passage que la liberté d’expression ne s’use que si on ne s’en sert pas.
Alain Vauchelles poursuit sa chronique cinématographique, avec trois films de Boris Lojkine, Hope (2014), Camille (2019) et l’Histoire de Souleymane (2024). Il interroge le rapport au réel et à la fiction de ce réalisateur à qui l’on doit également deux documentaires sur le Viêt-Nam (2001 et 2005). Entre figures d’exil et de photojournalisme, Lojkine part du réel pour construire une fiction.
Christian Eyschen chronique l’ouvrage qu’Hugues Lenoir vient de consacrer à la figure de « l’éducation intégrale » que fut Paul Robin (1837-1912). Libertaire, il dirigea de 1880 à 1894 un orphelinat dans l’Oise, dans une ambiance de mixité antiautoritaire qui vit les cléricaux attaquer son œuvre, la qualifiant de « porcherie ». Lorsque ses adversaires réussirent à obtenir la fermeture du lieu, Robin répondit en mettant fin à ses jours.
Alain Georges Leduc nous propose ensuite de relire Georges Simenon (1903-1989) qui fut jadis la star incontestée du polar grand public. Même si nous pensons qu’il y bien mieux dans le genre, y compris à la même époque et en langue française, il n’est pas inutile de se replonger, par exemple dans Le pendu de Saint-Pholien (1931), La maison du canal (1933) ou Trois chambres à Manhattan (1946). L’auteur est d’avis que les premiers ouvrages du romancier furent les meilleurs, ce dont nous pouvons lui donner acte. Quant à la vie personnelle de l’écrivain, l’auteur de l’article la décrit ainsi : « Monstre littéraire, Georges Simenon fut aussi un monstre sexuel. Un être bestial, abject. ». Habillé pour l’hiver…
Benoit Schneckenburger s’attaque pour sa part à une question de cours : « La morale peut-elle être universelle ? ». Il pourfend la tentation dogmatique portée par les religions, revient sur la rationalité universelle kantienne et l’approche spinozienne, avant d’en venir à Charles Taylor, tenant du multiculturalisme, avec ses conséquences relativistes et de botter en touche en guise de conclusion, en citant Brassens.
Alain Jouannet nous parle d’un dossier trop peu traité en France, le bilan des cours de religion dans le service public de l’éducation allemand. Les Églises d’outre Rhin sont aujourd’hui inquiètes. En effet, la laïcité germanique, assez différente de la nôtre, pousse à une neutralité qui ferait faire au passage une économie de 8 milliards d’euros au budget du pays.
Michel Belin, écrivain, maître en théologie, gay et ancien prêtre, prône aujourd’hui un athéisme « remobilisé, intelligent et généreux ». Rire, jouissance et des phrases de nouveau converti : (…) leurs miracles, leurs vieux grimoires, leurs indulgences plénières, leurs moulins à prière, leurs grottes miraculeuses, leurs murs sacrés, et leurs esplanades du temple, leurs carêmes et leurs ramadans, leurs mitres, leurs kippas ou leur chapeau pointu (…) ».
Dernier gros article (il y a en bien d’autres, plus courts, dans ce numéro très fourni), la reprise de l’interview à France Culture d’Émilie Monsillon, qui fait passer un vent frais de féminisme dans un milieu, disons, masculiniste, mais qui semble évoluer doucement. Elle et ils ont raison de bouger enfin.