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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Tripartisme : comment le pas de trois prépare le pas de deux (2/3)

Tripartisme : comment le pas de trois prépare le pas de deux (2/3)

Julien Vercel

C’est donc entendu, le tripartisme n’est qu’un état provisoire jusqu’aux élections présidentielles de 2017 qui rétabliront le bipartisme (François Bazin, « Marine Le Pen, les nouveaux contours du tripartisme », 3 juin 2014, tempsreel.nouvelobs.com). Soit. Pendant ce temps, le Front national (FN) peaufine sa stratégie en s’appuyant sur une dynamique électorale favorable et le rejet des partis plus traditionnels. Il échappe ainsi aux critiques qu’il ne se prive pas d’adresser aux autres formations politiques : le népotisme (le père, la fille, son conjoint, la petite-fille…) ; les affaires de financement (prêt russe, scandale du micro-parti Jeanne…) ou encore la schizophrénie idéologique (entre le FN du sud, arabophobe, identitaire et libéral et le FN du Nord, ouvriériste, protectionniste et étatiste). Celles et ceux qui formulent ces critiques à l’encontre de Marine Le Pen sont inaudibles en ce moment, tant les sujets en débat sont décidés par le seul parti d’extrême-droite. Et, justement, le sujet jusqu’en 2017 est celui de la réponse au problème stratégique : dans le système tripartite actuel, comment être l’adversaire du FN ?

Mais au problème stratégique, Nicolas Sarkozy comme Manuel Valls répondent par des postures tactiques. Ils ont adopté, chacun pour leur camp, une tactique qui ne consiste pas à s’opposer sur le fond à l’extrême-droite, mais à chercher à s’affaiblir mutuellement dans l’espoir fou de se retrouver seul face au FN et, donc, de le vaincre, convaincus que les Français ne voteront jamais à plus de 50% pour ce parti ! Les deux leaders se livrent alors à une surenchère de « République ».

Nicolas Sarkozy, après avoir rebaptisé son parti « Les Républicains », répète que « les socialistes mettent le socialisme avant la République. Moi je mets la République avant tout autre chose car je considère que le problème de notre société, c'est que la République a trop reculé » (2 décembre 2015, Europe 1). Il récupère donc des thèmes d’extrême-droite comme l’identité, les « racines chrétiennes » de la France ou la lutte contre la visibilité de l’Islam. Il s’allie à Laurent Wauquiez, pourfendeur de l’« assistanat ». Il rompt le deuil et l’union nationale après son entretien, le 15 novembre 2015, avec François Hollande suite aux attentats, en demandant, immédiatement sur le perron même de l’Élysée, « une inflexion de notre politique étrangère, des décisions au plan européen et des modifications drastiques de notre politique de sécurité ». Il va jusqu’à prôner la stratégie électorale dite du « ni-ni », refusant de donner des consignes de vote de deuxième tour entre le FN et le Parti socialiste (PS). Son principal adversaire est donc bien le candidat du PS qui risque de le disqualifier pour le second tour de l’élection présidentielle.

Pas plus de contenu chez Manuel Valls, même s’il appuie son discours « républicain » sur un modèle, Georges Clemenceau, pour lequel l’État républicain reste le seul cadre possible de toute réforme sociale (Gilles Gandar et Manuel Valls, La gauche et le pouvoir. Juin 1906 : le débat Jaurès-Clemenceau, Fondation Jean Jaurès, août 2010). Cela implique seulement de rejeter tous les comportements radicaux, de gauche comme de droite. Dans sa déclaration de politique générale, le 16 septembre 2014, il affirme que « la politique de mon gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche –la nation, le principe d’égalité et de justice– qui s’adressent à tous les Français ». Il définit la République comme « le patrimoine de ceux et de celles qui n’ont rien, de ceux à qui la vie n’a rien donné, ou qui ont tout perdu » avec, pour « grand dessein », « l’égalité des possibles ». Pas étonnant qu’au « ni-ni » sarkozyste, Manuel Valls préfère le « front républicain » qui consiste à tout faire pour battre l’extrême-droite : se désister pour le candidat de la droite, voire se retirer carrément du scrutin du deuxième tour comme lors des dernières élections régionales.

De cette bataille des tactiques républicaines, Manuel Valls semble l’emporter tant sur le plan de la lutte contre le FN (il n’a finalement emporté aucune région) que sur le plan tactique. Car Nicolas Sarkozy a dû laisser 5 régions à la gauche, il est sous la menace de perdre le soutien des courants de la droite modéré d’autant plus que l’élection primaire relance la compétition interne (la droite est déjà divisée puisque Nathalie Kosciusko-Morizet a reconnu que « si les électeurs avaient appliqué le ni-ni, nos candidats dans le Nord-Pas-de-Calais et en région Paca auraient été battus ») et, s’il « droitise » trop son discours, de voir ses électeurs préférer l’original du FN à la copie de « Les Républicains » (de droite).

En fait, le président de « Les Républicains » (de droite) se retrouve à batailler dans les cuisines face à Manuel Valls qui n’est que premier ministre, pendant que Marine Le Pen, dans le hall, se pose en défenseure de la France et que François Hollande occupe les salons en menant des guerres contre le terrorisme ou en sauvant la planète du réchauffement climatique ! Bref, pendant que Nicolas Sarkozy et Manuel Valls s’affrontent sur la République, François Hollande la préside.

À suivre…

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